Gatsby le magnifique par Filmosaure
Le réalisateur du vertigineux Moulin Rouge ! ne semble pas parvenir à se renouveler. Baz Luhrmann affectionne particulièrement les histoires d’amour impossibles et leur confère une mélancolie à laquelle il est difficile de se soustraire. Du Roméo + Juliette de notre adolescence à la douce extravagance de Moulin Rouge !, il a su imposer un style bien à lui, où le charme mutin du burlesque côtoie des mélodies audacieusement modernes. Gatsby n’y échappe pas, et c’est là peut-être son plus grand défaut : où les deux premiers intriguaient, ce dernier s’étiole terriblement dans leur ombre, ressassant certaines de leurs mécaniques. Où la bande originale de Moulin Rouge ! était un chef-d’oeuvre d’inventivité malgré ses notes volées, celle de Gatsby, trop présente, charme de temps en temps, agace souvent, sombrant sporadiquement dans la cacophonie.
Tobey Maguire tape sur sa machine, en un triste écho d’Ewan McGregor qui faisait de même il y a douze ans de cela. Et s’auto-parodie presque : lorsqu’il évoque J. Gatsby, on l’imagine parler ainsi de Marie-Jane Watson, sa dulcinée de Spider-man, et il est difficile de s’en ôter le souvenir. Leonardo Di Caprio, égal à lui-même, délivre une performance de qualité, mais qui n’est pas sa meilleure, un peu en-deçà du talent constaté dans Aviator ou, récemment, Django Unchained. Carey Mulligan, absolument charmante, parvient à toucher – mais pas autant que dans Shame où son interprétation de New York New York nous laissait désarmés, les larmes aux yeux. L’on apprécie cependant l’interprétation parfois “classique” des acteurs qui n’est pas sans rappeler les tons de voix un peu surjoués des films en noir et blanc.
Un casting qui peine donc à nous faire ressentir les émotions fortes auxquelles les personnages sont confrontés – mais heureusement en forme lors de quelques scènes marquantes : la colère de Gatsby, la mélancolie de Daisy, les regards lourds de sens. Parfois, Baz Luhrmann parvient lors de courts pans du film à nous émouvoir, mais très vite, nous sommes à nouveau mis à l’écart.
Car il semble y avoir quelque chose qui cloche dans cette réalisation, et l’on ne saurait exactement expliquer si ce sont ces couleurs surexposées, l’abus d’effets spéciaux ou l’insertion ponctuelle d’images d’époque jurant avec cette superficialité. La confrontation des années folles à certains éléments de modernité, que ce soit par la danse, la bande originale ou la manière de filmer, donne lieu à des résultats intéressants mais loin de nos espérances. Avions-nous surestimé Baz Luhrmann ou éludé sa propension à faire du kitsch ? Car ici, tout est too much.
Reste le fabuleux et mystérieux roman de Fitzgerald, et quelques moments d’émotion ou d’excitation comme Luhrmann sait en créer. Le film frôle parfois la médiocrité visuelle, mais ne se départit pas de son ambiance particulière, que Di Caprio porte sur ses épaules – comme Gatsby porte sur les siennes le poids de son lourd passé