Because you Can't-Can't-Can't !
En effet, you just can't-can't-can't adapter un scénario de film comme un livre, et spécialement un immense livre comme Gatsby.
Ce qui m'a l'air de ressortir de ce film, c'est que Baz Luhrmann a tenté de réaliser un Moulin Rouge! doté de dialogues et d'une complexité nouvelles, et qu'il s'est dit que l'oeuvre de F. Scott Fitzgerald serait parfaite pour ça, traitant d'une époque hédoniste à souhait, au moins autant que le Paris de la fin du XIXème, avec, donc, en plus, cette histoire, ces personnages et ces thèmes grandioses qui font de ce livre un tel chef-d'oeuvre. Mais il n'a pas vu que sa façon de réaliser ne pouvait être à la hauteur, et donc se montrer complémentaire de celles-ci. Je dirais même plutôt qu'il a abordé le sujet avec un peu trop de hauteur, en se disant :
" Tiens, un roman magnifique mais passé de mode, guindé et réservé à l'aristocratie culturelle... Et si je permettais à ce bon vieux Fitzgerald de revenir au goût du jour grâce à mon esthétique et à mes codes SOOOO 2010's ?"
Du coup, il passe à côté de ce qui aurait finalement été le plus simple : se mettre au service total du scénario, et se laisser porter par une histoire qui touche au sublime.
La seule manière de faire un chef d'oeuvre du cinéma à partir d'un roman de Fitzgerald, à mon avis, cela serait un film muet. La parole et la poésie de Fitzgerald mangent tout le reste, et ce qui fait de Gatsby une oeuvre exceptionnelle, à savoir une expression parfaite des émotions et de leur convocation par objets et ambiances, empêche toute expression cinématographique de ces émotions. On ne peut pas comprendre la force de l'évocation de cette lumière verte qui brille sur la jetée, de l'autre côté de la baie, quand on nous la présente pour la première fois avec un travelling ultra-rapide qui m'évoque plutôt le clip de "The Heist" de Macklemore... Filmer à la Baz Luhrmann, avoir une esthétique clip, c'est très pratique et surtout très efficace pour retranscrire des idées simples, qui peuvent ensuite inciter le spectateur à la réflexion, mais on ne traite pas un diamant brut comme le scénario de blockbuster intelligent de la même manière que cette pierre exquise, calibrée à la perfection, mais surtout calibrée pour l'art de l'écrit, le littéraire, qu'est l'oeuvre de Fitzgerald.
Après, oui, j'ai mis 5/10 parce que, même entravée dans son fonctionnement et dans sa poésie par la réalisation de Luhrmann, l'histoire transparaît, cachée et dans l'impossibilité d'être perçue à sa juste valeur, et c'est peut-être même encore plus beau que quand on lit le livre, de voir ainsi un joyau brisé, imparfait et mal placé, et de deviner avec excitation quelles possibilités seraient le siennes en de bonnes mains...
Mais bon, c'est pas fait exprès, alors nique, je vais pas lui mettre 8 parce qu'il a une bonne histoire et qu'il s'en sert mal, ce serait un scandale.