Nolan est réellement béni des dieux. Il a cette chance, ou ce talent, de posséder et de mettre en place une conception du cinéma éminemment cinématographique, et même doublement cinématographique : A la fois malaxant et jouant avec la matière même de son art, l'image montée, mais aussi avec les codes construits par tous les grands anciens.
Nolan, de fait, est en permanence aux prises avec deux choses : Le temps, et les rêves. Franchement, que faire de plus cinématographique ? Quel art se prête plus aux coupures temporelles et aux récits non chronologiques que le cinéma, et quel art se rapproche le plus de l'onirique que le cinéma ? Lorsqu'il s'amuse à perdre le spectateur en faisant d'une ellipse le point de passage entre réalité et rêve, lors de la rencontre entre Cobb et Ariane, on est vraiment proche de l'essence de l'art : Maîtriser les codes pour les adapter à sa guise, les travailler pour créer du sens, maîtriser le montage pour faire exploser le temps, et maîtriser l'image pour l'adapter aux rêves, où tout semble possible. De fait, il illustre parfaitement ce que je disais dans ma critique de "Gatsby le Magnifique", à savoir que la réalisation hollywoodienne et les blockbusters intelligents tels qu'Inception trouvent leur essence et leur perfection dans une histoire facile à appréhender, qui va servir de tremplin à la pensée du spectateur, l'entraîner et le diriger dans une réflexion plus poussée.
On pourrait aussi parler d'un engagement fort, mais discret, une condamnation de l'Amérique où les hommes ne trouvent repos et bonheur que dans leurs rêves, voire dans leurs souvenirs, ce qui représente dans ce film l'élément tragique suprême : Cobb ne peut plus rêver, car ses rêves sont viciés, corrompus par la culpabilité : A trop vouloir s'évader dans ce monde, on finit par en devenir accro, une sorte de passerelle vers le sujet des drogues, accentuée par le mode de passage dans le rêve, à mi-chemin entre la salle de shoot et le salon à opium, qui transparaît complètement dans la séquence de Mombasa. On pourrait effectivement faire une étude très poussée de la critique de la société dans les films de Nolan. Mais ce serait manquer le coche plus qu'autre chose : Nolan parle de cinéma avant tout, et c'est ce qu'il convient de commenter.
On conclura sur cette exceptionnelle scène finale, celle de la descente de l'avion : Ayant sauvé Saïto, et donc tous ses camarades, lors de la mission d'inception, Cobb se réveille, entouré par ses amis et par un Fischer requinqué. Il peut enfin rentrer auprès de ses enfants, son père vient l'attendre à l'aéroport, il recroise Arthur, Eames, Yusuf, et de nombreux visages connus et souriant, et arrive enfin chez lui après avoir passé avec succès les contrôles de sécurité. Bref, c'est la happy-end complète, et le comique réside dans le fait que, décidément, il ne peut pas y croire, d'où son jet de toupie.
Discrètement, Nolan nous fait signe : Le cinéma hollywoodien lui-même, avec ses choix évidents dans le réel, au niveau du temps, avec les ellipses, ou de l'atmosphère, avec les visages ou l'éclairage, construisant un lieu et conduisant à faire de chaque personnage et même de chaque élément l'archétype parfait d'une sensation ou d'une impression, le cinéma lui-même est un rêve.

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le 23 août 2014

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Léo Belon

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