« Votre majesté ne se ferait pas grand tort, si elle me faisait un peu de bien »… ces paroles de Scarron brûlent d’actualité dans ce film, satire politique ô combien malicieuse. Il y a deux manières de critiquer un système, celle agressive, qui invective, dénonce, combat violemment, et l’autre, la satire, beaucoup plus sournoise, efficace et pérenne. Satire ! Le mot est lâché ! Car « Gaz de France » est probablement le film le plus subtil, depuis très longtemps, à dénoncer non pas un pouvoir politique quelconque, mais plutôt sa mécanique de fonctionnement et l’essoufflement du système.


L’élection confortable de Bird, chanteur à succès, comme Président de la République, et la chute vertigineuse de sa côte de popularité dans les sondages qui s’en est suivie, est bien symptomatique dans ce sens. Sans doute jugé comme le dernier recours par des électeurs déçus de tout, il apparaissait comme Le candidat (populiste) à qui l’on accorde du crédit, là où tous les autres étaient « à sec ». Et l’incroyable opération de sauvetage que met en place Michel Battement, son chef de cabinet, n’est pas destinée à sauver le chef d’état, mais bien le régime en place.
Benoît Forgeard ne s’embarrasse pas de lourds moyens techniques (quelques décors neutres, mise en scène sobre, peu d’acteurs…) seul le mot au service de la situation importe. Pour lui, les Présidents se suivent et finissent toujours aux rebuts de la mémoire, comme leurs portraits officiels remisés dans les cartons d’une réserve. Il dénonce plutôt l’intelligentsia qui gravite autour d’eux, contrôle faits et gestes et apporte, à ce qui leur semble, la réponse nécessaire à la grogne générale. Ce sont les « ébénistes du sens » comme se qualifie Battement. Et pour garder cette suprématie rien ne semble interdit, à partir du moment où cela est efficient.


Le scénario, dans toutes ces étapes de cogitation à trouver l’idée, est consciencieusement élaboré. Aucun temps mort, chaque action, chaque mot pèsent et se coordonnent. C’est l’apanage de la satire. Et tant pis si au final cela doit se terminer par un conflit, tant que les apparences sont sauves. Cela fera grincer les dents à coups sur, de quelques politicards et hauts fonctionnaires bien connus !


Le choix des acteurs est également pertinent, Olivier Rabourdin excelle en éminence grise, Philippe Katerine cabotine avec délice dans le rôle d’un président totalement à l’ouest, Philippe Laudenbach est formidable et le reste du casting bien pensé.


« Gaz de France » peinera sans doute à trouver son public, il n’en restera pas moins une référence, et par son aspect précurseur, sur le fond et la forme, une espèce de film témoin d’une période.

Fritz_Langueur
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le 18 janv. 2016

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