Luchini en exégète de Flaubert face à son pétrin de boulanger en carton, j’avoue qu’on a vu plus attractif. Mais voilà, le projet m’intrigue, mon vif intérêt pour l’écrivain l’emporte, d’autant qu’Anne Fontaine a dans mon subconscient l’aura d’une véritable cinéaste.
(Après vérification, je me rends compte que je n’ai aimé d’elle qu’un film, qui date de 1997, et que je n’ai rien vu de son cru depuis 15 ans. Hum.)

Alors voilà, l’idée de fond n’est pas complètement vaine : plutôt qu’une réadaptation de Madame Bovary, le récit retrace le désir et la crainte mêlés d’un fan de voir se rejouer l’histoire chez ses voisins, tant les coïncidences avec le roman originel sont troublantes. Le bovarysme atteint davantage le lecteur / voyeur que le personnage, et c’est bien ce premier qui est le plus névropathe. Jolie démonstration, renversement séduisant, qui fait du spectateur un metteur en scène qui interfère sur les destinées et fantasmes du grandiloquent là où la vie ne fait que ressurgir du banal.
Le problème est là : cette fatuité, possiblement volontaire, du film et du charme originel que le parisien frustré voudrait sublimer. Filmer un être aussi charmant que Gemma Arterton avec le priapisme d’un frustré en plein démon de midi (et demie) a quelque chose de presque obscène, tant on la réduit à ses formes, sa bouche sur une baguette ou ses mains dans la pâte.
(D’ailleurs, parenthèse, mais le boulanger qui laisse une passante venir pétrir et se relever les cheveux avant de se remettre à l’ouvrage mérite une dénonciation aux services sanitaires, même si la créature en question est aussi belle que dans les pubs pour les shampoings aux et pour les œufs.)
Dans une esthétique proche des clips Herta (souvenez-vous, « Ne passons pas à côté des choses simples ») la Normandie nous offre ses miches, son fromage et son calvados, les anglais leur accent et leurs idéologie de droite, qu’on fustige avec les poncifs bobo aussi pathétiques que leur soit disant étroitesse d’esprit.
Car l’âme du roman originel de Flaubert était certes l’ennui d’Emma, mais aussi, et surtout, la fascination de son auteur pour la bêtise humaine. Il en reste bien peu de traces ici, si ce n’est le personnage d’Elsa Zylberstein, caricatural mais assez réussi tant on a envie de la gifler avant même que sa première réplique ne soit achevée. Edith Scob tente bien de lui donner le change en aristo fin de race, mais sans grande conviction.

Tout cela avance au petit bonheur la chance, et génère une sorte de vague embarras, pour les situations comiques pas drôle (genre « j’ai une abeille dans ma robe, vas-y, suce-moi le venin ») et un ennui poli pour le reste jusqu’au final proprement grotesque, que je pourrai résumer pour ceux qui l’ont vu par un « Rashomon croûton » qui en dit long sur ses ambitions narratives.

Flaubert ambitionnait « Un livre sur rien, qui tiendrait pas la seule force de son style ». Gemma Bovery est un film vaurien, qui croit tenir sur sa plastique futile.
Sergent_Pepper
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le 17 mars 2015

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Sergent_Pepper

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