Dead Presidents/Génération Sacrifiée c'est un témoignage de vie. Tu commences tranquille avec une bande de jeunes blacks dans les 60's qui passent leur temps à parler soirées, filles et surtout de leurs rêves. Dans la bande des trois avec qui on on commence l'aventure c'est le plus calme qui veut s'engager dans l'armée. Tout le monde parle du Vietnam comme une guerre inutile, d’où on ne revient pas vivant, la communauté black refuse d'aller se battre pour une guerre qui n'est pas la sienne , mais pourtant Anthony veut y aller parce que dit-il "J'en ai marre de l'école". Malgré l'époque, Anthony s’ennuie, il n'a pas réellement de but, de rêve à long terme. Il passe son temps en "travaillant" pour Kirby (interprété par le génial Keith David), boss de quartier qui vit le rêve américain, gagne du fric, se paye le luxe d'arroser les flics pour qu'on le laisse tranquille. Ce Kirby c'est un peu son père adoptif, le mec qu'il admire, il bosse pour lui comme un gamin qui rendrait service pour que son idole le félicite. Quand Kirby lui propose de l'accompagner régler un truc il accepte avec joie. Pour lui c'est un moyen de se rapprocher encore plus du boss et de ce monde mafieux qu'il veut intégrer. Parce que faut pas se leurrer, ce gamin c'est rien, à part pour Kirby qui le garde sous son aile. Sa première entrée dans le bar est très similaire à l'entrée de Keithel dans Mean Streets, on suis un mec de dos qui salue tout le monde genre on est pote on fait partie du même monde mais les mecs lui répondent à peine, c'est juste un gamin qui imite ses idoles. A partir de là on commence à avoir un avis différent sur le caractère d'Anthony, il n'est pas aussi calme que le laisse penser l'intro finalement, et surtout il est attiré par la violence, les délinquants, les armes. La scène ou il attend Kirby qui tabasse un mec (scène extrêmement drôle d'ailleurs, le coup de la jambe) révèle direct cet attrait pour la violence. Quand il fuit en voiture on voit le regard d'Anthony se poser sur le revolver, un regard envieux sur un bout de métal ou la chef op Lisa Rinzler a eu la bonne idée de faire se refléter les lumières orangées du tunnel, reflets qui rappellent sans aucuns doutes la guerre à venir mais aussi la fin (déjà entraperçue dans le générique de début).
Depuis le début on suit également Anthony dans sa vie amoureuse. Une romance vraiment bien gérée, pas cul-cul, pas lourdingue, juste ce qu'il faut. Il "sort" avec Juanita et il rêve de coucher avec. La première partie du film se conclut donc sur le dépucelage d'Anthony, aboutissement d'un vie d'adolescent et arrivée dans le monde des adultes. Arrivée précoce et brutale retransmise à l'écran par une superbe séquence ou s’entremêle les deux univers, l’Amérique insouciante et l'horreur du Vietnam, par un fondu enchaîné.
La guerre est en quelque sorte un second dépucelage pour Anthony, et dans les 2 cas il court après l'acte. La guerre chez les Hughes c'est pas un truc qui change les hommes, elle ne fait que réveiller des pulsions endormies par la société, le monde dans lequel on a été élevé. La guerre c'est le dépucelage de la vie, le truc qui fait qu'après ça, quand tu seras rentré chez toi, t'auras perdu tes manières parce que finalement ça ne sert à rien et qu'il faut aller à l'essentiel (cf. la scène du diner au retour du Vietnam ou il mange vraiment à l'arrache) et au fur et à mesure tu perdras foi en ce qu'on t'as appris et tu laisseras s'échapper toutes les pulsions enterrées en toi. Mais tu peux tout faire pour te reprendre en main et recommencer à repousser ces pulsions et à tenter de les oublier en passant par la religion pour Cleon ou par l’héroïne pour Skip... Cleon c'est le mec le plus barbare de l'unité, le mec avec une gueule de fou furieux (grosse interprétation de Bokeem Woodbine), le mec qui garde une tête de viet dans son sac en souvenir, le mec dont tout le monde se demande comment c'est possible qu'il soit fils de pasteur. Et pourtant de retour aux US il sera devenu le plus sain de la bande, et refusera de tuer pour tuer ou même de tirer un coup de feu lors du braquage.
Au Vietnam on ressent une vraie solidarité entre les hommes (cf. travelling circulaire autour du groupe en cercle, chacun vaquant à ses occupations), ils s'entraident, se respectent malgré les vannes et à la fin se lient d'amitié (cf. scène des photos). Et surtout on ne distingue plus de minorités, tous les hommes sont égaux, la seule couleur au Vietnam c'est le camouflage et la boue. La guerre fait croire en cette unité, alors quand on rentre au pays et qu'on voit que rien n'a changé, que les blacks sont en train de préparer une autre guerre pour réclamer des droits qui devraient leur être accordés, ça fout un coup au moral. La représentation de la guerre dans le film est très dure, très violente, très réaliste, on fait pas de chichi ça c'est clair. Dommage que la jungle fasse vraiment fausse avec son décor de ruine en toc, et je suis vraiment pas fan de tous ces inserts. C'est vraiment un truc que j'aime pas, je trouve ça kitsch à mort, tous les inserts très furtifs sur les blessures (que ce soit au Vietnam ou même pendant le braquage). Déjà que le sang est bien bien rouge mais avec des inserts (parfois même avec un léger ralentis) sur un nez qu'explose libérant un geyser de ketchup ou sur une ventre explosé c'est vraiment too much. Un des rares trucs que j'ai pas aimé.
Anthony a une véritable évolution tout au long du film. On voit d'abord qu'il est amoureux de la douce Juanita mais on sent en même temps une attirance pour la révoltée Delilah (cf. la scène ou il vient voir Juanita au début). Il est attiré par la violence mais n'y prend pas part (cf. la scène ou il est secoué par Cowboy). Une fois de retour, son attirance pour Delilah est démultipliée, il délaisse Juanita au fur et à mesure, tout en voulant protéger ses enfants. Mais à la fin même ces derniers sont oubliés, il part pour ce braquage de façon égoïste, il sait très bien qu'il risque gros, de ne plus jamais voir ses gosses, mais il y va. La violence fait maintenant partie de sa vie, et quand Cowboy vient le titiller une seconde fois il n'hésite pas à le tabasser, prêt à le tuer. La guerre a changé son comportement mais aussi sa réputation. Quand il rentre dans le bar pour la seconde fois dans le film, son entrée n'a rien à voir avec la première décrite plus haut. La caméra commence à le suivre de dos puis tourne autour de lui, les gens ne l'ignorent plus, ils lui payent des verres, le saluent, viennent d'eux-mêmes lui serrer la main.
Au retour les 60's sont passées, maintenant les US c'est délinquance, drogue et chômage (même chez les caïds). Il faut tout faire pour survivre, pour se réintégrer. Le coup du job de boucher je trouve ça un peu facile mais bon, le boucher est vraiment excellemment joué par Seymour Cassel donc c'est un bon point quand même. A vrai dire ce job pourrait être trouvé par désir d'Anthony, s'il fantasme tellement la violence, le sang, peut-être a-t-il volontairement cherché un job de boucher, bref j'en sais rien...
Après ça commence à déraper, le boucher ferme, un autre gosse arrive, et quand y a plus d'espoir tout est noir (sans jeux de mot...). Du coup Anthony se met à organiser le braquage d'un fourgon. Il va chercher tout ses vieux potes, qui sont tous dans la même merde et ne rêvent que d'une chose, d'argent. La guerre a tué leurs rêves et la société qui en a découlé leur en a créé un nouveau. On a alors droit à une scène magnifique lors de la planification du braquage avec tous les membres de l'équipe autour d'une table sortant tour à tour de la pénombre dans laquelle ils sont à l'énoncé de leur nom, comme si ce braquage était pour eux le moyen d'exister, et surtout de sortir de la galère.
Bon et puis après ben c'est le braquage quoi. Sommet de tension. Réalisation excellente (sauf les inserts encore une fois, y a que celui du tir au shotgun dans la jambe que j'aime bien). Encore un petit point d'humour avec le cinglé aux explosifs. Une séquence stylisée à l'extrême par ces visages blancs aux yeux noirs, personnages lucides sur leur situation et le sort qui les attend.
S'en suit les différentes arrestations/morts sur une bande-son excellente comme tout le long du film. L'arrestation d'Anthony est magistrale, un pauvre mec dans le bar qui l'a vu grandir, braqué par 30 armes qui suivent tous ses mouvements (mon dieu que j'adore cette scène, vue du dessus et le moment ou il se met à genou et que tous les canons épousent son mouvement).
On a alors droit au jugement prononcé par Mister Sheen, jugement peut-être ironique de la part du soldat perdu d'Apocalypse Now, cette guerre justifie-elle ces actes ?
On a débuté le film avec 3 jeunes potes dans un camion de laitier qui parlent de filles et de rêves. On le finit avec le seul rescapé d'un groupe, autrefois uni, assis dans un bus direction la prison au milieu de dizaines d'autres survivants d'une époque qui ne les aura pas gâtée.
Pour conclure on a donc droit à un sacré film, au casting parfait, une réalisation et un montage excellent (avec tout de même des inserts maladroits), une photographie classieuse, légèrement too much par moment. Le film souffre d'une durée trop courte pour traiter l'époque et les personnages plus en profondeur, Anthony étant clairement le personnage le plus développé du film.