Ghost in the Shell
7.7
Ghost in the Shell

Long-métrage d'animation de Mamoru Oshii (1995)

Décidément je suis un vieux con. Ça m'escagasse de le dire à toutes les sauces, mais là typiquement je ne vois pas d'autre explication. Ghost in the Shell a en apparence tout pour plaire, au point de le considérer comme un chef-d'oeuvre : une animation de grande facture ; une histoire dans un monde futuriste cyberpunk dans lequel on se trouve immergé en moins de cinq minutes sans difficulté ; une réflexion sur l'existence humaine, l'identité de l'humain ; une intrigue politique cynique très plaisante ; bref, tout pour faire un excellent film, que j'vous dit.


Oui mais voilà, bibi l'est pas du genre à se laisser berner comme ça. Bien évidemment au début, l'engouement est total : l'animation est animante, l'intrigue intrigante et les personnages personnifiés, pour vous dire. Premier écueil vers la trentaine de minutes : une scène magnifique de plongée, suivie d'une discussion d'ordre métaphysique, disons-le d'entrée. Cette discussion, profonde et très bien menée est immédiatement suivie d'une série de plans contemplatifs de l'arrivée de la pluie sur la ville. Je suis cinéphile, pas cinéaste, mais j'ai fait un tout petit peu de théorie : un plan veut signifier, une musique également, la communion des deux de même. Mais là, rien : j'ai regardé la séquence trois fois, je n'ai pas compris le sens de ces plans. Pardon pour cette imbécillité crasse dont les dents du fond baignent dans l'inculture glaireuse, je prends ce défaut pour moi.


Malheureusement, ce défaut n'est pas le seul. Arrive alors le second écueil, beaucoup plus important celui-ci, une phrase, juste une : "Et vous ? Pouvez-vous me fournir la preuve que vous existez ? Alors que ni la science, ni la philosophie n'ont pu définir la vie ?" Il est explicite que ce film a fortement inspiré, influencé les trois Matrix des Wachowski, et de ce fait il supporte les mêmes faiblesses du point de vue philosophique. Désolé pour la forme de cours de ce qui va suivre, mais je me dois de le faire.


Au XVII° siècle, un mathématicien, géomètre et amateur de strabismes divergents s'éprend de philosophie et écrit un petit opuscule, les Méditations Métaphysiques. Non content d'avoir défini ce qu'est l'essence de l'homme (sa pensée, ou bien plutôt son acte de pensée, et certainement pas sa mémoire qui, par définition, est propre à chacun (sans parler de la mémoire des animaux et de la mémoire photosynthétique des végétaux)), ce bon vieux R'né décide de s'attaquer au vaste problème de la définition du dualisme, autrement dit de l'articulation de l'âme et du corps. Il finit par énoncer, bien qu'il n'affirme rien clairement, que la "connexion" entre l'âme et le corps ce situerait à l'arrière du cerveau dans ce qu'il nomme la "glande pinéale" (ça ne vous rappelle pas le fait de loger le ghost à l'arrière du cerveau des fois ?).
Or, si R'né avait de la puissance en affirmant l'essence de l'humanité dans l'acte de pensée, il n'en avait aucune dans le baragouinage pseudo-scientifico-hypothétique autour de la "glande pinéale". Alors, non, la science et la philosophie ont pu définir la vie, ils ne s'accordent pas sur cette définition, c'est tout.


Maintenant, ce que j'aimerais faire comprendre c'est que le film mélange justement deux plans d'existence : l'existence physique (remise en cause par la cybernétique) et l'existence, disons, "spirituelle" (non remise en cause par celle-ci). La cybernétique donne un corps presque autonome comme l'est le nôtre, mais ne donne pas d'existence "spirituelle", ou bien plutôt psychique. Le simple fait de la "naissance" d'une essence issue de l'infinité de l'informatique est un non-sens logico-formel. Désolé, j'adore la science-fiction, mais à un moment, faudrait arrêter de prendre les anguilles pour des beignets de crabe par facilité scénaristique.


Je m'attarde juste sur un autre point, après je retourne bougonner tout seul dans mon coin : "J'ai passé tellement de temps pour ça." Comment une entité issue d'une forme intemporelle (l'infini informatique) peut-elle avoir conscience du temps ? Car à la conscience propre ne se juxtapose pas la conscience de l'écoulement du temps : les animaux ont "conscience" d'eux-mêmes, mais ils n'ont pas conscience de l'écoulement du temps, pourquoi un programme informatique aurait-il de manière immanente et instantanée conscience de quelque chose qui ne concerne pas son existence, alors que toute sa démarche est empreinte d'utilité ? Pourquoi un savoir annexe, contingent ?


Juste un dernier dernier mot pour dénoncer l'horrible qualité des doublages français (la voix de Schwarzie pour l'acolyte masculin de l'héroïne, sérieusement ?) qui n'aident en rien à crédibiliser le propos. Que je me fasse bien comprendre : en lisant ma critique, on pourrait penser que Ghost in the Shell est une vaste fumisterie. Il n'en est rien, le film est bon, il n'est juste pas exceptionnel, il souffre de trop de défauts pour prétendre à ce titre, voilà tout.

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le 27 sept. 2015

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Xavier Petit

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