On ne peut pas, manifestement, reprocher à Laugier de ne pas essayer. Il prend son temps, soupèse son sujet et se lance quand il en a l'opportunité - ou quand les astres lui sont favorables, ou la production suffisamment conséquente. Doté d'un style bien à lui qui sait multiplier les références sans en avoir l'air, élégant dans sa mise en scène, percutant dans ses prises de risques, pointilleux dans son point de vue, il fabrique une oeuvre singulière, osée sans être totalement aboutie, comme si chaque film constituait la brique d'un édifice plus grand et encore indéfini.
Toutefois, si Martyrs était une claque, Ghostland n'en a pas l'impact, ni la puissance expressive. Construit comme un film d'épouvante lambda, parsemant sa mise en place de sous-entendus évidents, dans un décor trop incongru pour être honnête, il rappelle dans un premier temps les nombreux succédanés de slashers des années 70 et 80. Lorsque la première demi-heure multiplie les jump scares faciles et parfois vains, on finit par se douter qu'il y a, forcément, autre chose que ce douloureux rebâchage de situations éculées. On attend l'impromptu, l'élément fantastique, le virage nauséeux, la plongée dans la folie ou dans l'horreur pure - d'ailleurs, dans certains plans, on croit percevoir l'esquisse de quelque chose de différent, plus tortueux, glauque ou subtil que le tout-venant de l'horrifique.
Et le basculement s'opère. Qui sauve le film, condamné jusque là à n'être qu'une infâme resucée de survivals adolescents. Dès lors, Ghostland devient tout autre, tout en demeurant fermement campé sur ses positions premières. Il y a de la maturité dans le langage de Laugier, et une forme de sagesse dans ce qui passait autrefois pour du jusqu'auboutisme. Certes, ça n'a pas la saveur révolutionnaire de ce qu'on aurait pu attendre d'un réalisateur aussi précieux, et tant la portée comme l'objectif manquent cruellement d'ambition. En germe, le film contient bon nombre d'éléments singuliers qui auraient pu conduire à une oeuvre plus ingénieuse et, surtout, plus unique. Il se suit cependant avec intérêt même si on a bien du mal à se passionner. Ghostland intrigue, mais ne surprend pas, fascine mais ne terrifie pas. Aux confins de ces réalités illusoires, d'autres que Laugier y ont construit des partitions plus belles ou plus singulières, néanmoins celle-ci a au moins le mérite d'exister.