Ginger Snaps par Wykydtron IV
Je ne savais preque rien de Ginger snaps, mais je me souviens néanmoins que j'avais lu le petit résumé d'IMDB, qui disait d'emblée que le film utilise la lycanthropie comme métaphore de la puberté. Tout simplement. Carrément quoi, ils disent "This film uses" au lieu d'en venir directement à l'histoire.
Ce n'est pas la faute de l'équipe du film ou quoi que ce soit, à moins qu'ils aient mis ça aussi sur le DVD, non c'est la faute du type qui a écrit ça sur le site, mais quand même ça m'a pas donné l'idée d'un film subtil.
Et peut-être que le mélange du thème de l'adolescence avec une histoire de loup-garou n'est pas très fin justement, mais j'ai quand même aimé comme l'un sert à traiter l'autre dans Ginger snaps.
L'arrivée des règles chez l'héroïne coïncide à l'attaque du loup-garou, et par ailleurs Brigitte explique que les ours sont attirés par l'odeur des menstruations. En plus de ça, la façon dont est amenée la coulée de sang entre les jambes de Ginger est très bien trouvée, pour allier d'emblée l'horreur à ce passage obligé pour toute adolescente.
Et la scène d'attaque du monstre, même si elle est filmée de façon très agitée de sorte qu'on ne voie rien, fait penser sur quelques plans à un viol. Enfin on ne voit pas bien ce qu'il se passe, quels habits sont retirés, etc, mais je crois qu'à un moment c'est la jupe de Ginger.
Après ça, il y a quelques quiproquos amusants, comme lors de la visite chez l'infirmière scolaire.
Et avec la lycanthropie en jeu, les parents sont encore plus à côté de la plaque que dans les cas habituels de changements occasionnés par la puberté. La mère croit comprendre sa fille, et en temps normal déjà elle se tromperait, mais ici elle ignore tout de ce qui passe vraiment. Tout. Ca m'a fait penser à Oncle Ben dans le premier film "Spider-man" de Raimi, qui dit à Peter que lui aussi, à son âge, il est passé par la même chose.
L'une des filles du film rejette violemment sa mère en lui criant de partir dans une scène, et l'autre, plus tard, joue le jeu en demandant "que veulent les garçons ?", mais seulement parce que c'est à défaut de trouver un autre moyen pour distraire sa mère.
Le père pense que les deux sœurs manigancent quelque chose, "pourquoi elles t'écouteraient sinon ?" demande-t-il à sa femme, et c'est bien vrai, mais la mère ne veut pas y croire, persistant à penser qu'en tant que maman elle porte bien conseil à ses enfants.
Ce qui est surprenant, c'est qu'elle est tellement dévouée à ses deux filles, qu'elle montre qu'elle peut faire preuve d'une réelle folie, quand après avoir découvert un des "cadavres dans le placard" de Ginger et Brigitte, elle présente son plan pour les tirer de ce mauvais pas. Elle paraît dingue au point de faire peur, mais par pur instinct maternel.
Ginger snaps, même si on peut voir en premier lieu que c'est un film de loup-garou, pour moi c'est surtout un drame. Je dirais presque un drame social, en pensant à Ken Loach, auquel me font penser les premiers plans sur des maisons de banlieue, qui m'ont rappelé le début d'une de ses réalisations, peut-être Family life. (mais Ginger snaps a été tourné au Canada)
Par ailleurs l'image est terne, elle paraît sale, et on y retrouve toujours les même teintes verdâtres, jaunâtres, et autres couleurs en "-âtres".
Et les héroïnes sont des ados dégoûtées de la vie, des recluses qui préfèrent rester juste entre elles. Elles pensent au suicide, et en attendant se prennent en photo dans des mises en scène morbides. Elles aiment partager leurs visions négatives sur ce qui les entoure, et s'en amusent, s'imaginant par exemple comment va mourir telle ou telle personne, en fonction de ce qu'on peut reprocher chez elle.
Comment aurais-je pu ne pas avoir de l'empathie pour ces deux filles ?
Et entre ces deux sœurs, j'ai pu ressentir un amour fort, qu'arrivent à communiquer les actrices. Ginger s'éloigne et écarte sa sœur quand elle n'est plus soi-même, mais les voir réunies et s'enlacer plus tard, ça ne m'a pas laissé insensible, de la même façon que j'avais été touché par la solidarité bien palpable entre elles au début.
Ce n'est pas courant, mais ici Brigitte, pour aider sa sœur, fait croire que c'est elle qui a été mordue par un loup-garou. En général c'est l'inverse, on dit quelque chose du genre "ah non c'est pas moi qui ai un problème, c'est mon ami...". Pour en revenir encore à Spider-man (on va croire que c'est ma référence), cf la scène chez le médecin dans le second film de Sam Raimi.
Mais justement, j'ai trouvé que Ginger snaps arrivait quelque peu à se démarquer, en se montrant astucieux.
Déjà du côté de la réalisation, il y a un plan pas mal sur la lumière provenant progressivement d'une porte qui s'ouvre et vue derrière Brigitte qui sort, et il y a aussi quelques plans sympas, comme le traveling avant vers le chien mort puis la niche, ou celui dans la serre où l'on voit les décorations d'Halloween, j'y ai trouvé le positionnement de la caméra pas mal.
Et la mise en scène se montre aussi assez bien pensée, quand on croit par exemple retrouver un garçon mort chez le voisin, ou dans une autre scène simplement par le placement de Ginger devant la porte avec Brigitte derrière elle, alors que c'est Brigitte seulement qui était censée venir. Je trouve que le simple positionnement de Ginger devant exprime quelque chose, alors que normalement on penserait naturellement à mettre Brigitte devant, puisque c'est elle seule qui est être présente, mais en même temps ça serait plus commun et ne voudrait plus du tout dire la même chose.
La mise en scène, par le choix de ce qu'elle montre ou non, agit aussi dans la scène où tout d'un coup quelqu'un trébuche sur un chien mort. Enfin là, ça ne passe pas, même si le spectateur n'a rien vu, on se demande comment les personnages n'ont pas remarqué un cadavre canin sur un terrain de football.
Sans avoir vu aucun autre film de John Fawcett, j'aime bien son style, rien que pour avoir placé une bande-annonce grindhouse à la télévision dans une scène (je crois l'avoir vu ce trailer, sur le DVD sampler de Something weird video, mais je sais plus lequel c'est), et pour avoir choisi ce qui m'a semblé être un film bis fake comme étant ce que regarde Brigitte lors de sa préparation pour la lutte contre la lycanthropie, alors qu'il aurait pu choisir de mettre un classique comme The wolfman d'Universal, c'est ce que j'attendais. Cependant, la créature du faux-film dans le film m'a fait penser à celle de An American werewolf in London.
Une autre initiative du réalisateur à saluer, c'est de, comme dans le film de John Landis que je viens de citer, faire son loup-garou entièrement en "vrai". Justement, je m'étais fait la remarque pendant le film, qu'ils auraient pu faire des CGI, me demandant aussi lequel coûte le moins cher, mais apparemment c'est le réalisateur qui a exigé une créature réelle. Je le remercie pour ça.
J'aime bien qu'on en vienne à bosser à l'ancienne pour les effets spéciaux, comme ça, mais autrement Ginger snaps ajoute une touche de modernité à son récit de loup-garou. Voilà qu'un piercing en argent sert à retenir la bête en Ginger, et on apprend aussi que la lycanthropie se transmet comme une MST, c'est marrant.
Dommage par contre que le film fasse un peu comme ça l'arrange : alors qu'un élève est couvert de boutons après avoir été mordu, Ginger elle n'est pas enlaidie du tout, du moins rien n'est visible avant qu'elle ne se déshabille un peu. Et il y a quand même dans ce film un dealer qui apparaît comme un spécialiste des loup-garous, qui avance la théorie du lycanthrope d'emblée, puis trouve un remède.
Au nouveau millénaire, Van Helsing est un ado qui fait pousser de la marijuana dans sa serre ?
Le film est un peu éprouvant, toute cette négativité, et vers la fin toute cette bestialité et ces grognements, ces cris, cette brutalité et ce sang qui tache bien... Mais je l'ai bien aimé. Pour les thèmes dont j'ai parlé.
Par contre je ne pense pas voir les suites. Ca me semble inutile.