Ginger Snaps : résurrection m'a surpris comme un film m'a rarement surpris. Quand je regarde une suite, j'ai tendance à le faire par devoir, parce que j'ai aimé l'original et pour vérifier ce que ça vaut, plutôt qu'en pensant que ça pourrait vraiment m'apporter quelque chose de positif. Avant de regarder Ginger Snaps 2, je me suis surpris à penser "peut-être que celui-là me plaira vraiment", le genre de pensées qui ne me traverse pourtant jamais l'esprit. Je n'y ai pas vraiment cru, et j'ai eu tort.

On retrouve Brigitte, après une ellipse indéfinie il me semble. Elle s'est retrouvée seule après la fin funeste du premier film, et est en train de devenir un loup-garou. Elle lutte contre l'infection grâce à son remède à base d'aconit tue-loup. Suite à un malaise, elle se retrouve dans un hôpital psychiatrique et est forcée à faire une cure de désintoxication. Privée de son remède, la métamorphose en loup reprend. Comme si ça ne suffisait pas, un loup-garou est à ses trousses : il semble vouloir s'accoupler avec elle.

J'ai la rare impression d'avoir vu un film abouti, qui va au bout de ses idées, et surtout qui a les couilles de proposer quelque chose d'original. C'est aussi valable pour le premier film bien sûr, mais là ça va encore plus loin. On a toujours les mêmes effets pratiques et un design du loup-garou assez original. Toujours cette vision du mythe du loup-garou très différente de ce qu'on a vu ailleurs : transformation à sens unique, lente, évidemment métaphore de la puberté.


Alors qu'est-ce que tu as utilisé ? (Pour tuer le loup-garou). Une balle en argent ?
Un couteau. Ce ne sont pas des super-héros.

Comme dans l'opus précédent, le film s'éloigne du mythe qu'on connaît déjà pour nous proposer du jamais vu. Mais ce second film en fait plus. On oublie l'humour noir pour ne garder que l'atmosphère sombre déjà présente dans le premier, mais ici poussée à son paroxysme. C'est très sombre, presque déprimant, sans être non plus excessif. On parle de dépression, pensées suicidaires, addiction, abus sexuel, maladie mentale, solitude etc. Ici, en plus de symboliser la puberté et "l'appétit sexuel", le loup-garou sert aussi de métaphore à l'addiction. Le "remède" que s'injecte Brigitte pour retarder sa transformation représente la drogue. C'est pas extrêmement subtil puisqu'elle est littéralement en hôpital psychiatrique et forcée à faire une cure de désintox, mais ça reste bien pensé. Peut-être que ma lecture va trop loin - certainement d'ailleurs - mais j'ai presque l'impression de voir ici une métaphore d'une maladie incurable, genre cancer phase terminale. Brigitte prend son "remède" en sachant très bien qu'il ne la protégera pas éternellement. Elle le dit elle-même, tout ce dont elle a besoin c'est d'un peu de temps. Elle ne peut que espérer gagner ce peu de temps sans espérer un traitement qui la sauvera. Le film est quand même empreint d'un sacré désespoir.

D'ailleurs, là où certains voient un humour particulièrement raté (l'inscription "lesbienne" ou le rêve de masturbation collective), je vois plutôt une piste sur l'orientation sexuelle de Brigitte. Parce qu'il faut se rappeler que la découverte sexuelle est un des thèmes de ces films, et qu'une Brigitte lesbienne ou bisexuelle serait tout à fait crédible.

Quant à l'horreur, parce que c'est quand même un film d'horreur, c'est vraiment très réussi. Outre les bons effets pratiques, l'atmosphère extrêmement sombre du film accroît la tension. Les apparitions du loup-garou sont plutôt rares, ce qui les rend toutes particulièrement marquantes et angoissantes. Certains se plaignent que la caméra ne s'attarde jamais sur lui pour nous le dévoiler complètement, mais je trouve au contraire que c'est une réussite. On laisse le spectateur s'imaginer ce qu'il ne voit pas. Et surtout, ça permet aux effets pratiques d'être toujours crédibles, car on n'en voit pas assez pour que la crédibilité soit suspendue. Le film serait sans doute moins efficace et moins inquiétant sans ça.

Mais avant tout, après une première heure angoissante, le dernier acte est rempli de rebondissements surprenants mais plutôt cohérents. Et c'est là qu'on a l'impression de voir un film qui ose faire les choses différemment. Le loup-garou prend presque un rôle secondaire, derrière les personnages. Parce que le film offre des personnages ambigus, très ambigus... parfois peut-être trop ambigus. Mais au moins on échappe au manichéisme habituel, et on est franchement étonné de la tournure des personnages - un en particulier, ceux qui ont vu le film sauront lequel. Ce n'est peut-être pas parfait et il y a en effet des défauts indéniables, mais je serai toujours heureux de voir un film qui sort des sentiers battus.

En ce qui est du final, c'est certes surprenant et décevant de ne plus suivre Brigitte pour les cinq dernières minutes, mais c'est assez logique. L'accroche elle-même nous a prévenus : le mal qu'elle porte en elle ne pourra mourir qu'avec elle.

Bon, maintenant que j'ai écrit une critique des deux premiers films, autant faire toute la trilogie... je vais de ce pas m'occuper du troisième.

Ahbecede
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le 5 sept. 2024

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