crêpages de chignons et réconciliation saphique
La bande-annonce annonçait la couleur par une formule sans ambigüité : « Naked hearts and bodies crash ! » Le film ne dément pas cette prévision et nous avons effectivement droit à un divertissement mouvementé qui mêle essentiellement scènes de combat, intrigues sentimentales et scènes érotiques. Certains se demanderont bien sûr comment un film de ce type, essentiellement racoleur et aux visées clairement commerciales, a pu retenir mon attention ; je répondrais que j'en parle à titre d’échantillon exotique d’un genre qui, à défaut d’être spécifiquement japonais, n’a jamais été poussé aussi loin que sur cet archipel.
Le Girl’s Blood est un club de jeunes filles pratiquant divers types d’arts martiaux et se donnant en spectacle chaque soir sous un chapiteau, sous la direction d’un homme d’affaires avisé. Comme pour le catch, les combats sont très impressionnants mais en grande partie simulés et les lutteuses sont déguisées et portent des tenues tapageuses. On parle au Japon de cosplayeuses pour définir ces jeunes filles qui, dans certains quartiers de Tokyo et d’autres villes, endossent les costumes les plus excentriques, généralement inspirés de la culture manga. Mayu, par exemple, dernière arrivée dans le club, est une lolita timide (mais non moins redoutable) qui a opté pour un look très enfantin et qu’on qualifierait en japonais de kawaï, alors que Miko, qui exerce au civil la profession de domina dans un donjon sado-masochiste, débarque toujours sur le ring avec une tenue en cuir décolletée et très corsetée et un fouet à la main. Voilà déjà qui devrait donner une image de l’esprit général du film. La bonne entente du groupe est troublée lorsque survient Chinatsu, une femme surentraînée à qui on fera jouer le rôle d’une combattante chinoise (moulée dans une superbe qipao rouge) mais qui semble ne pas être très habituée aux simulations et prendre le jeu un peu trop au sérieux. Il s’avère que Chinatsu est l’héritière du terrible clan Endo et qu’elle fuit son mari, qu’elle déteste mais qui souhaite ardemment la reconquérir afin de devenir le nouveau chef du clan. Satsuki, une autre des filles, employée de bibliothèque au civil, finit par succomber au charme de Chinatsu et par accepter son homosexualité, penchant auquel se livrent également Mayu et Miko en toute décomplexion.
Il n’y a sans doute pas de message particulier à chercher dans un film tel que celui-là, même si on peut toutefois deviner, à travers certains dialogues (les filles échangeant sur les raisons qui les ont amenées dans ce milieu) que l’univers de la lutte féminine est peut-être parfois présenté comme une métaphore de la prostitution. Inutile, toutefois, d’y chercher une critique de la marchandisation du corps ou de sa réification comme objet spectaculaire, on rencontre au contraire plusieurs fois des filles qui, sortant du public, confient leur envie d’ « entrer dans la cage », le thème de l’aliénation étant bien loin des réflexions du réalisateur. Nous avons à faire à un film dont quasiment tous les rôles sont occupés par des femmes mais qui est réalisé par un homme et pour des hommes. Les scènes lesbiennes, pas déplaisantes à voir, sont exposées selon les canons de la libido masculine, et l’amour saphique est mis en scène sur le même plan que les autres types de “corps-à-corps”, que ce soit les combats sur le ring ou les jeux de t-shirts mouillés filmés au ralenti. Bref, un délassement fétichiste et sexy à regarder sans arrière-pensée et à déconseiller aux féministes.