On ne peut dénier à Ridley Scott qu'il a réalisé de grandes et belles œuvres. Mais il semble que l'âge avancé, à l'instar de Francis Ford Coppola, ait eu raison de son talent. Le désolant Napoléon, que j'avais déjà archivé dans les bacs de tri de ma mémoire, aurait dû me dissuader d'aller voir ce second opus d'une œuvre que par ailleurs j'adule.
Aiguillonné par l'espérance d'une suite dont j'espérais quelques relents épiques, je me suis toutefois rendu dans la salle obscure pour un voyage dans l'Antiquité.
Dès l'ouverture du film, je fus troublé. Troublé par un générique vilainement peinturluré. Troublé par l'assaut de navires romains sur une ville dont les murailles rectilignes suivent un littoral tout aussi droit qui a la bonne idée d'être assez profond pour que lesdits navires éperonnent proue en avant la muraille. Il fallait oser. Troublé par une musique qui ressemblait à l'originale sans en avoir la saveur. N'a pas la voix de Lisa Gerrard qui veut.
De manière générale, ce Gladiator II m'est apparu comme un écho lointain et amoindri de l'œuvre originale magistrale. Certes, les décors et costumes demeurent de toute beauté. Les scènes de bataille recèlent une efficacité que l'amateur pourra apprécier. Mais que le casting s'est affadi ! Loin du Charismatique Russell Crowe, Paul Mescal apparaît bien terne. Pire encore, le duo clownesque des deux empereurs livre une prestation ô combien en dessous de la terrifiante démonstration de Joaquin Phoenix. Seuls Connie Nielsen et Derek Jacobi sont encore là mais eux aussi semblent bien ternes par rapport à leurs prestations d'alors. Ce n'est pas non plus Pedro Pascal, général anachronique pétri de pensées contemporaines qui sauve le navire de ses voies d'eau. Denzel Washinton, sourire trop éclatant au visage, passe par là comme il camperait un justicier à Boston. Ce panel d'interprètes n'a pas réussi à susciter la moindre émotion chez moi.
Ridley Scott, sans doute conscient qu'il est vain de vouloir reproduire la qualité de son premier jet, tente alors la surenchère pour impressionner un public moderne amateur de délires visuels. Dans l'arène vont ses succéder des singes mutants, un rhinocéros géant, et même des requins lors d'une naumachie qui se serait suffit à elle-même ! Ce type de spectacle est pourtant impressionnant en soi, pourquoi le diluer avec des squales qui n'apportent pas grand chose, à part une dimension ridicule ? Ce besoin d'en faire des tonnes tombe à plat et m'a gâché quelque peu la séance.
J'ai tenté de me focaliser sur le récit mais celui-ci est tellement proche du précédent, et en même temps tellement moins profond, que ça n'a pas suffit à m'enthousiasmer. En effet, la dimension mystique du culte des ancêtres ne surgit point ici. Lauriers sur le crâne, les rappels épais au prestigieux Gladiator. Le réalisateur, avec une lourdeur navrante, importe des scènes emblématiques en espérant que ça suffira à ressusciter sa gloire passée. La scène poignante de la main caressant les épis de blés clôture ainsi le film, dans une triste parodie qui m'a laissé un goût amer. Si la musique finale utilise bien la voix de Lisa Gerrad, elle ne suffit plus à donner corps à ce fantôme, ectoplasme évanescent d'une œuvre qui possédait une densité rare.
Ridley Scott a tenté de tirer davantage de lait que la louve romaine n'en pouvait donner. Gladiator II n'entrera pas au Panthéon de ses réussites.