Shyamalan est un petit malin. Seul problème, il le sait. Capable du meilleur comme du pire, il fait face à son plus gros obstacle. Dans ce film qui achève une saga super-héroïque des plus rafraîchissantes, M. Night Shyamalan fait face à son pire ennemi : lui-même.



Shyama-Fan



J'ai une énorme affection avec le si particulier et attachant M. Night Shyamalan. C'est un cinéaste qui donne tout ce qu'il a, généreux et pur amoureux du cinéma, de la fiction et des héros du quotidien. Chacun de ses personnages cherchent leur place dans le grand n'importe quoi du monde. Evidemment, ces personnages portent ce stigmate car Shyamalan le porte aussi.
Le parcours de ce cher Night est semé d'embûches et de réussites. Après des débuts hollywoodiens stratosphériques (4 films exceptionnels), son rapport face aux critiques l'a mené à trop questionner le rapport entre son cinéma et la critique. The Visit était un retour dans le game par la petite porte, plus de simplicité pour se relancer. Et Split annonçait (et est toujours) un renouveau pour le cinéaste. Glass en manque terriblement.


Incassable et Split sont deux films totalement différents dans la forme, le feeling, les émotions qu'ils dégagent, mais qui se rejoignent magnifiquement par une idée fabuleuse : leur nature est "cachée en pleine vue". Incassable est la dépiction d'un homme qui devient un super-héros, Split celle d'un homme qui devient un super-vilain. Les deux films sont une origin story.


Les deux premiers opus ont, ancrés profondément en eux, la notion de surprise, de jeu avec l'identité véritable à la fois de leur héros et du film en lui-même.


Dans Incassable, on atteint un sommet de subtilité, une forme de cinéma pur à très peu d'égal. Le feeling dégagé par Split est complètement différent : plus ludique, plus foufou, mais sans jamais
oublier ce jeu sur son identité en toile de fond.


Le défi de Glass est celui-ci : désormais, Shyamalan ne peut plus se cacher derrière cet apparat et se doit d'assumer l'aspect comic book. On sait où l'on est avant que le film commence.
Justement, c'est là que la machine s'enraye.



Shya-Malade



La maîtrise déployée dans Split et (particulièrement) Incassable est ici beaucoup moins palpable, tant Night semble se perdre parfois dans des excroissances mal intégrées au récit. Assez déçu que Night soit un réalisateur qui ne semble pas s'être raffiné avec le temps. Le film est teinté de quelques paresses, de moments de trop-pleins, notamment le twist final qui est totalement raté.


D'autant plus que le film possède un défaut que les deux opus ne portaient pas : la sur-explication et justification littérale de ce qui se passe à l'écran. Là où il nous plongeait la tête la première dans son histoire et surtout l'arc de ses personnages, ici ce n'est pas le cas. L'aspect méta-cinématographique du film est trop appuyé, si bien qu'il nous sort de la dramaturgie du film. Les commentaires extra-film prononcés par les personnages, qui ont une conscience énorme d'eux-même, sont de trop.


Les trois personnages principaux n'ont pas d'arc narratifs à proprement parler et n'avancent pratiquement pas entre la fin de leur film précédent et la fin de Glass. Cette conclusion tourne donc à la redite. La présence des side-kicks de ces 3 héros, paraît trop légère pour leur donner le soin de terminer le film et de transmettre le message super-héroïque.



Shyama-God



Le rapport à la foi, cher au réalisateur, est aussi très présent. La présence de Sarah Paulson en psychiatre est là pour questionner le statut de super-héros, à la fois dans l'esprit des personnages et celui du spectateur. Un problème cependant, ce doute ne peut pas exister car les deux films précédents nous ont fait comprendre que leurs actes étaient dignes de super-héros et vilains. Lorsque Mr. Glass nous fait comprendre que peu importe la rationalisation scientifique de leurs actes, ils n'en demeurent pas moins extraordinaires, le pay-off ne fonctionne pas car nous le savons déjà. Nous croyons déjà en ces actes. En cela réside mon problème avec le film.


La présence divine est symbolisé par Mr. Glass, qui semble presque être à la fois intérieur et extérieur au film tant il fait office de parallèle direct avec Shyamalan lui-même. Son ubiquité fait de lui un de Dieu, un Créateur qui a le contrôle sur tout, qui avait tout prévu, qui fait émerger les personnages, qui amène le twist de fin etc.


La fin nous montre clairement les intentions de Shyamalan dans cette trilogie. Tout le monde peut devenir un super, un mutant, un être supérieur, s'accomplir, devenir, s'élever, se rapprocher de Dieu. Ce message très shyamalanesque, rempli d'espoir et de générosité est parasité par une déconstruction trop littérale et trop visible.


Ainsi se termine la trilogie la plus improbable et intéressante qui m'ait été donné de voir, naviguant entre chef-d'oeuvre de subtilité et film bancal. J'ai pu la suivre en marathon au cinéma, expérience optimale de groupe quasi-religieuse, elle aussi.


A bientôt, M. Night Shyama-Man, mon super-réalisateur pas comme les autres.

BatBerto
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le 20 janv. 2019

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BatBerto

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