Glengarry
6.9
Glengarry

Film de James Foley (1992)

Marlon Wayans plutôt bon dans Requiem for a dream, Van Damme pas mauvais dans JCVD, Adam Sandler presque émouvant dans Funny People... J'ai souvent aimé penser que la direction d'acteur était plus importante que les acteurs en eux même. Glengarry fait partie de ces films qui me prouvent le contraire. Et de la plus magistrale des manières.

Dans cette perle injustement méconnue sortie dans un anonymat plus ou moins total en 1992 (sans même atteindre le break-even point), on trouve pourtant l'une des plus belles brochettes d'acteurs jamais vues dans un film de ce budget, ils accepteront d'ailleurs d'être payé "une misère" pour pouvoir tourner dedans. C'est notamment le cas de Pacino, qui avait réclamé 7 millions deux ans plus tôt pour The Godfather part III, mais avait du se contenté de 5 face aux pressions d'un Coppola qui menaçait d'ouvrir le film sur l'enterrement de son personnage; pour Glengarry il tournera pour à peine 1,5 millions. Glengarry possède donc un casting d'acteurs passionés hors du commun. Ils sont 7, tous plutôt majeurs : Al Pacino, Jack Lemmon, Alec Baldwin, Ed Harris, Alan Arkin, Jonathan Pryce et Kevin Spacey.

Adaptée d'une pièce de théâtre, l'histoire est celle d'une petite agence immobilière qui vend des parcelles de terrains de manière pas toujours honnête à des clients naïfs. Un soir, le siège envoie Alec Baldwin dans l'agence pour lancer un ultimatum aux vendeurs : dans une semaine, les deux premiers vendeurs au classement auront le droit de rester dans l'entreprise, les autres seront virés. Les meilleurs "closers" (ceux qui clôturent, font signer les contrats) auront aussi le droit aux fameuses Glengarry Leads, une liste de prospects potentiels très convoitée qui leur assurerait des ventes et donc de précieuses commissions. Ces leads, tellement convoitées, vont devenir l'objet d'un cambriolage. Le film s'articule en gros en deux actes : la veille du cambriolage, avec la mise en place des personnages (au début assez confuse, Glengarry est d'ailleurs un film qui se regarde au moins deux fois) et de la situation, et le lendemain, après que le cambriolage ait été commis. Le coupable, bien entendu, est l'un des vendeurs. Jouant sur une ambiance polar années 50 et baignant constamment dans une petite musique Jazzy, Glengarry est bien plus qu'un simple Whodunit immobilier. C'est un de ces films qui n'a que pour seul choix que celui de se reposer sur ses acteurs. Mais attention, la mise en scène n'en est pas pour autant à la rue et trouve même une certaine créativité dans son manque de moyen (la moitié du budget est passé dans les effets de pluie de la première moitié, on imagine qu'une bonne partie du reste est allée pour les acteurs, plus grand-chose pour faire le film, en somme).

Les acteurs donc, sont le coeur du film. Pas une ligne, qui sonne faux, pas une grimace en trop, ils sont tous parfaits (on raconte que les acteurs n'ayant pas de scènes sur certains jours venaient sur le plateau uniquement pour voir les prestations de leurs collègues). Servis par des dialogues savoureusement orduriers (fuck prononcé plus de 130 fois, shit dans les 50), les acteurs trouvent dans la structure du film (de longues scènes de dialogues ciselés) un terrain de jeu parfait à leur immense talent (Pacino incroyable, encore une fois).

Cette combinaison de dialogue riche et dense et de prestation d'acteurs parfaits nous donne une matière d'une toute autre nature que ce qu'on a pu voir depuis 10 ou 15 ans dans le cinéma hollywoodien. Cette matière, elle ne se délie pas au prix d'une réflexion sur un scénario alambiqué ou au concept obscur (construction à l'envers, croisée, en parallèle, etc). La clé, les clés de Glengarry se trouvent cachées dans un recoin des multiples méandres du jeu des acteurs et de leur dialogue. La matière s'y délie au détour d'une grimace, d'un regard, d'une intonation... Ce n'est pas seulement le fait que tout cela soit joué parfaitement qui impressionne dans Glengarry, non, c'est parce que la matière substantifique du film naît du jeu même des acteurs. Un regard et on comprend que Pacino commence à craindre l'arrivée de Jack Lemmon en haut du tableau des vendeurs, un bégaiement et on comprend que Spacey a mis en place une ruse pour choper le coupable, etc, etc. Dans chaque scène de Glengarry, dans chaque dialogue, il y a 1000 choses à dire, et des dizaines de visionnage ne viendrait pas à bout de l'incroyable substance que nous livre cette troupe au sommet absolu de son art. Dans Glengarry, le spectateur comprend les détails infinis de l'intrigue, non pas par la mise en scène, ni par les dialogues, mais par le jeu des acteurs.

Alors pourquoi si peu de reconnaissance (à peine 50 notes sur SC à l'heure où j'écris ces lignes) ? Eh bien, premièrement le film est assez demandant en concentration. Les dialogues sont très denses, le film démarre sur les chapeaux de roues (même un peu brutalement), et l'ensemble des intentions des différents protagonistes, parfois assez subtiles, ne sont pas évidentes à décrypter lors d'un premier visionnage (c'est pourquoi je recommande deux visionnages rapprochés pour bien comprendre et apprécier le film). Le film pourra aussi en gêner certains par l'impression de théâtre filmé. Glengarry est aussi un "petit" film, parfait, certes, mais qui ne paye pas de mine, dont la perfection est tranquille et ne demande qu'à être analysée et contemplée des dizaines de fois avant de dévoiler sa richesse pandoresque.

Un petit film parfait donc. Et aussi avant tout une perle à découvrir. D'urgence.

(Pour le titre de la critique, c'est parce que le film a été utilisé pour apprendre à des vendeurs que faire et ne pas faire lors d'une vente).
bdipascale
10
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Créée

le 25 oct. 2012

Modifiée

le 12 nov. 2012

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bdipascale

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