Je ne connaissais pas du tout ce film jusqu'à ce que je le trouve en DVD dans la collection Gaumont qui s'est donné pour louable tâche de ressusciter de nombreuses œuvres du cinéma français.
J'en suis à mon deuxième visionnage et je peux dire que je suis toujours sous le charme.
Gloria est en 1977 le dernier film de Claude Autant-Lara qu'il a réalisé après "les patates" que j'aime aussi beaucoup.
La critique semble avoir éreinté ce film. Je pense qu'il était de bon ton de taper sur le personnage parfois sulfureux qu'était Autant-Lara. Pas étonnant donc que je n'en ai jamais entendu parler. Quelques extraits trouvés sur wikipedia :
" Gloria est un mélo comme on n'en fait plus" ; c'est vrai et c'est bien dommage qu'on n'en fasse plus…
"Le charme aurait pu opérer" : pour moi, il a déjà opéré deux fois.
"Mais des dialogues qui sonnent faux" : je ne pense pas mais on va y revenir
"des acteurs souvent mal dirigés" : je ne le pense pas du tout mais on va aussi y revenir
"quelques séquences grotesques" : ah bon, étant sous le charme, je n'ai pas dû les voir.
"film indéfendable" : ah bon, je vais tenter l'impossible alors.
Le scénario est inspiré d'un roman que je ne connais pas. Il raconte la promesse pleine de gravité que se font deux enfants, Jacques et Gloria, que la première guerre mondiale sépare. Les deux enfants s'aiment et se promettent de se retrouver. Les années passent et le hasard, qui fait si bien les choses quand il le veut bien, les fait se retrouver.
Les familles et la gouvernante (Andrée Tainsy) de Gloria considère ceci comme des enfantillages et que cela n'a aucune gravité. Bien sûr que la raison voudrait effectivement n'y accorder que peu d'importance, bien sûr que c'est très naïf d'y croire, bien sûr que mille exemples montrent que ça ne marche pas souvent. Et pourtant le cœur se plait à vouloir y croire. C'est l'occasion, pour certains spectateurs (pas tous bien sûr), de se replonger dans le passé, de soulever les coins du tapis et, le temps du film, de rêver. Juste la nostalgie d'une enfance où on pouvait encore croire dur comme fer aux contes de fée.
Les dialogues ne sonnent pas faux. C'est juste que les deux acteurs principaux Valérie Jeannet et Alain Marcel retrouvent un vieux rêve alors que plus de dix ans ont passé depuis leur promesse. C'est le temps de l'atterrissage de ce vieux rêve auquel on s'accroche en vain pendant des années et qui devient soudain réalité. On dit forcément des chose futiles ou très graves. La parole ne fait qu'occuper l'espace. Physiquement, ils ont forcément changé et ont du mal à retrouver des traits connus et aimés. Tout se passe comme si le temps venait d'accélérer et que le cerveau peine à aligner deux pensées. Je ne sais pas si Claude Autant-Lara a fait exprès de choisir des acteurs peu connus mais je trouve que c'est une grande idée. Les deux personnages ont ainsi une crédibilité naturelle dans leur façon de jouer comme si tout était nouveau.
Contrairement à la critique, je trouve que les acteurs sont très bien dirigés au sens qu'il faut les montrer un peu gauches, intimidés devant une situation inconnue même si elle était espérée de part et d'autre. Il fallait laisser une part de flottement dans le jeu des acteurs. On peut appeler ça une forme de pudeur. Je trouve que c'est au contraire très bien rendu.
Le film est aussi très bien construit car les informations sont distillées progressivement. Les scènes sont amenées par des fondus enchainés comme si on s'enfonçait dans la rêverie ou au contraire qu'on s'en réveillait.
Au début du film, on ne comprend pas du tout le changement d'attitude du personnage d'Alain Marcel lors du spectacle au cabaret créant une sorte de suspense dans l'attente d'autres informations.
Cette scène est remarquable car le personnage est comme paralysé par une vision dont on ne sait pas si elle est agréable. Il est dans l'ombre et ses yeux brillent étrangement. Une autre scène remarquable est la longue rêverie de Gloria qui est un flash-back sur son enfance dont je me plais à imaginer que c'est un souvenir – intact - qu'elle se repasse régulièrement. Cette fois la rêverie aboutit soudain sur - la - rencontre : j'adore.
Du coup, je ne sais pas si j'ai bien défendu le film mais ce que je sais c'est que j'aime bien ce film que je trouve très touchant et qui est plein d'une grande et belle émotion.
Le contexte de la guerre et de l'après-guerre est très bien rendu. On devine une nostalgie personnelle du réalisateur à travers certaines scènes comme la vibrante Marseillaise le jour de l'armistice en 1918.