Un classique instantané du film musical
Le film est une adaptation de l'album du même nom, sorti en 2009, projet parallèle de Stuart Murdoch, le leader de Belle and Sebastian. Ledit album étant une prolongation de The Life Pursuit, disque de Belle and Sebastian, sorti lui en 2006. Bref, à part quelques morceaux, les fans reconnaîtront la majorité des chansons présentes dans le film. La différence, de taille, étant leur réinterprétation par les comédiens et leur illustration. En ce sens, God help the Girl ressemble à une mise en images de la musique de Belle and Sebastian. Ce n'est pas pour autant un long vidéo clip, car l'histoire et les personnages existent avec force. Le récit en lui-même est très classique, mais l'ajout de moments de comédie musicale pleins de sincérité et de fraîcheur donnent une toute autre dimension au film. On se passionne pour les tourments de ces post-adolescents en pleine quête existentielle et artistique.
La mise en scène de Murdoch, à l'image de sa musique, n'hésite pas à user d'effets et de références mais avec parcimonie. En général chaque changement de style visuel n'est utilisé qu'une seule fois, renforçant son impact. God help the Girl est un superbe objet filmique et pas seulement une illustration plan-plan de sa musique. Et pour qui aime un peu l'Ecosse et surtout Glasgow, c'est aussi un charmant guide touristique. Le trio d'acteurs principaux s'avère parfait, même si c'est l'australienne Emily Browning qui vole la vedette, en combinant talents de comédienne et de chanteuse. On a du mal à croire que c'est la même actrice qui se commet régulièrement dans des blockbusters plus ou moins affligeants (à l'image du terrible Sucker Punch). C'est donc une quasi révélation car Browning semble avoir trouvé ici le rôle susceptible d'ouvrir une nouvelle dimension à sa carrière.
Bien sûr, le principal (mais donc pas le seul) intérêt du film réside dans sa musique et son interprétation. On reconnaîtra sans mal le style de Belle and Sebastian, une "chamber pop" assez inimitable, très délicate, un peu acerbe, souvent drôle et mélancolique tout à la fois. Un hommage très direct est d'ailleurs rendu à l'un des groupes fondateurs de la "pop de chambre" avec une variation sur Pretty Ballerina de The Left Banke qui offre au film l'un de ses meilleurs moments. Mais les numéros immédiatement mémorables sont légions : The Psychiatrist is in, Pretty Eve in the Tub, Down and Dusky Blonde et l'irrésistible I'll Have to Dance with Cassie. De quoi largement occuper presque deux heures de métrage sans se départir d'un réalisme poétique qui culmine sur le final au son du Dress Up in You de The Life Pursuit.
God Help the Girl nous fait regretter le temps où les groupes de rock s'offraient des films à leur mesure, souvent pour le pire mais aussi pour le meilleur, à l'image de Quadrophenia pour les Who ou de Rude Boy pour The Clash. A noter que c'est justement quand le groupe se fait le plus discret à l'écran que l'œuvre a le plus de chances d'être réussie (exception faite du fondateur Hard Day's Night des Beatles). God Help the Girl convie le meilleur du cinéma et de la musique pop en une œuvre d'une rare sophistication et qui respire la spontanéité la plus absolue : un petit miracle. Le seul risque est donc de faire une overdose de scènes et de chansons adorables. Celui qui redoute cela est probablement une bien triste personne.