Projet longuement mûri par Stuart Murdoch, leader du groupe écossais Belle and Sebastian, les chansons qui constituent l'album-concept God Help the Girl narrent essentiellement la dépression du personnage central, Eve. Enregistré avec la collaboration des chanteuses Catherine Ireton et Celia Garcia, le disque se voit édité via le label Rough Trade en juin 2009.
Atteinte de la même maladie que Murdoch, le SFC (syndrome de fatigue chronique), Eve rêve de monter un groupe où elle pourrait exprimer ses paroles sous forme de thérapie et rencontre un brillant musicien, James, ainsi qu'une élève de ce dernier, Cassie. À eux trois, ces adolescents vont surmonter les épreuves de leur mal-être pour entrer de plein pied dans l'âge adulte...
Persuadé que le sujet, qui raconte plus ou moins sa propre histoire, touchera les jeunes du monde entier, Murdoch souhaite métamorphoser son projet discographique en film de cinéma. Rédigeant lui-même le script, qui se voit refusé par tous les studios malgré la célébrité de son auteur, l'apprenti-cinéaste organise une opération de financement participatif via internet et récolte la modique somme de 100 000$ qui décidera pas moins de 10 producteurs à croire au projet.
La phase du casting sera longue, Murdoch ayant en tête des personnages totalement définis. Et c'est Emily Browning, qui vient de triompher dans le rôle de Baby Doll, personnage central du film Suker Punch de Zack Snyder, qui remporte le rôle d'Eve. Elle sait parfaitement jouer la comédie, chanter, danser et surtout émouvoir son monde de par un simple regard. Cassie, quant à elle, se voit incarnée par la non moins excellente Hannah Murray, inoubliable dans la série pour ados Skins où elle interprétait... Cassie, personnage jumeau de celui inventé (plagié ?) par Murdoch pour God Help the Girl. Et enfin, c'est Olly Alexander, révélé par Gaspar Noé dans l'expérimental Enter the Void, qui entre avec bonheur dans la peau de James, musicien secrètement raide dingue amoureux d'Eve. Un casting en or pour une comédie pas si romantique où la dépression culmine dans le parcours d'une adolescente dont l'âme artistique ne demande qu'à s'affirmer.
Réalisé en 2012, le film devra attendre deux ans avant d'être sélectionné par le célèbre Sundance Film Festival où il remportera le Prix spécial du jury pour un long-métrage étranger. Une récompense qui permettra à l’œuvre d'être enfin distribuée en salles en fin d'année 2014.
Le résultat ?... Une ode à la musique pop et à ses effets thérapeutiques à travers le regard de trois adolescents qui nagent constamment entre les flots de l'immaturité et de la pertinence. N'étant pas moi-même une adepte de la musique de Stuart Murdoch (je fais plutôt partie de la génération pop orchestrée par Clairo ou Oklou), les paroles parfois puériles du leader de Belle and Sebastian amoindrissent assez régulièrement le sombre propos dépressif alloué au métrage, ce qui lui offre un cachet de fraîcheur atypique plutôt bien entretenu. Et si le film patine un peu au bout d'une heure pour se métamorphoser en long clip qui démontre amplement l'inexpérience en la matière de son réalisateur malgré quelques bonnes idées de mise en scène de-ci de-là, la sincère candeur de Murdoch se conjugue avec la spontanéité de ses personnages remarquablement composés, touchants et attachants. Par contre, en écartant malheureusement toutes les causes à effets de la maladie qui empoisonne la vie d'Eve, l'apprenti-cinéaste opte pour un désaveu contre-productif qui réduit considérablement son sujet et l'art-thérapie qui va avec. Dommage.
Reste la belle magie du casting et l'irrésistible envie d'une chouette balade en canoë entre amis. Ce qui est déjà beaucoup.