Nombreux l'ont déjà souligné, Godland possède de nombreuses similitudes avec le western, et plus précisément avec le cinéma de John Ford, puisqu'on y suit, dans la nature sauvage islandaise, un prêtre en train de poser les bases de la civilisation, et ce grâce à la construction d'une église.
Cependant, même s'il en partage les mêmes thématiques, on comprend vite que Godland s'éloigne fort de la philosophie fordienne. Si l'on voulait schématiser, on pourrait dire que le réalisateur finlandais, Hlynur Pálmason, est bien plus pessimiste que son homologue américain quant à l'idée de réussir à s'adapter à un nouveau monde.
En effet, chez Ford, la civilisation (entendons par là, la tenue d'événements sociaux, religieux, culturels ou festifs) est le moyen d'unir et de souder les gens venus d'horizons différents. On se souvient de My Darling Clementine, où le chantier d'une église est l'occasion d'organiser un bal, permettant à Wyatt Earp d'approcher et sympathiser avec la belle Clementine.
Dans Godland, les fêtes autour de la nouvelle église constituent plutôt un théâtre de règlement de comptes où les tensions entre les hommes ne font que s'exacerber. Les désaccords sont irréconciliables et les passions doivent rester secrètes, sous peine de déclencher des drames en cascade. Pire encore, la religion ne semble même pas pouvoir s'accorder avec la société islandaise, alors qu'au pays fordien, elle est le ciment de toute chose.
Quant aux visions qu'ont les cinéastes de la nature, celles-ci sont tout aussi opposées. Si chez l'américain, les héros sont des baroudeurs s'appropriant parfaitement l'espace gigantesque autour d'eux, il n'en n'est rien sur les terres islandaises qui, bien que moins mouvementées, restent un lieu dangereux pour le protagoniste qui n'en maîtrise pas la géographie.
Enfin, on pourra remarquer que les deux artistes partagent tout de même un point commun à propos de la question du meurtre. Pour eux, il s'agit d'un interdit, d'un tabou suprême qui équivaut au bannissement de la civilisation. Le seul meurtre pouvant à la rigueur être toléré est celui réalisé dans le but de protéger... la civilisation.
Les variations autour de la naissance d'une société sont décidément sans fin...