Lorsque ce nouveau Godzilla avait été annoncé, je ne peux nier qu'il y avait en mon sein une petite graine d'enthousiasme qui germait ; le Godzilla d'Edwards avait beau avoir été assez impressionnant, il était passé à côté de son sujet, mais pas au point d'en être complètement raté, juste décevant. Mais là, ce reboot américain me prenait par le coeur en invoquant pour la première fois les noms de Rodan, Mothra et surtout... King Gidorah.
Grand amateur de la saga japonaise (que je n'ai pas finie à l'heure de cette critique mais dont j'ai vu une bonne vingtaine de films), les antagonistes/alliés phares de Godzilla sont à mes yeux quasi aussi importants que la bête elle-même car ils ont à leur manière également façonné la franchise: Rodan, arrivé peu après Godzilla, avait continué à cultiver cette ambivalence quant à la nature morale des kaijus, Mothra avait amené avec elle un aspect plus féérique et fantaisiste, et Gidorah était en quelque sorte l'incarnation du mal pur qui résidait dans Godzilla (la créature et la franchise). Voir ces bêtes en full CGI à l'écran était une perspective inespérée, et de là naquirent espoir et crainte.
A la sortie, j'ai très vite déchanté en voyant les critiques, j'étais surtout triste que les néophytes qui découvraient les compagnons de destruction de Godzilla pour la première fois n'avaient pas ressenti le même enchantement que moi lors de leur découverte en contrée japonaise. Personnellement, je pris aussi la décision de repousser le visionnage afin de prendre du recul, à de multiples reprises des blockbusters qui s'étaient faits incendiés à la sortie se sont avérés être de belles surprises si je les visionnais un an plus tard. C'est donc ce que j'ai fait avec ce film.
Mais alors, qu'en ai-je pensé? Et bien, si le film a certaines qualités, visuelles notamment, je ne peux qu'admettre qu'il est bien la déception annoncé. Déception non pas par sa qualité intrinsèque qui pourrait être longuement débattue, mais par le gâchis de potentiel. Soyons clair, qui a vu nombres de Godzilla est en quelque sorte "habitué" a une qualité de scénario branlante, utilisant les mêmes tropes et affichant les mêmes incohérences. Je n'excuse pas la faiblesse du scénario (qui est faible sur bien des aspects), mais il n'est pas pire qu'un autre, et si c'est excusable pour les productions japonaises de 50 à 90, je conçois que cela l'est moins aujourd'hui. La vraie erreur du scénario a été de vouloir s'engouffrer dans une idée où l'antagoniste a raison mais ses moyens sont contestables, et se ramasse complètement la gueule. L'approche écologique était la bonne, mais pourquoi ne pas faire que les monstres soient des conséquences écologiques de nos actions visant à rétablir un équilibre, plutôt que faire passer ça par le biais d'éco-terroriste au discours creux. Vraiment du gâchis.
L'autre gâchis vient des monstres susmentionnés: Rodan en premier, complètement sous-exploité, design un peu douteux même si l'idée de la lave (référence à son premier film) était bonne ; Mothra, assez laide au début et plus réussie sur la fin, mais toute la mythologie autour de son existence a complètement été zappée, on ne sait pas d'où elle sort ni qui elle est vraiment alors qu'il est évident qu'elle n'est pas un kaiju comme les autres ; pour finir Gidorah, le moins raté de tous car a bénéficié de plus d'attention en étant antagoniste principal, mais largement sous-évalué, à peine plus fort que Godzilla, le seul danger qu'il apporte vient de son cri qui réveille tous les autres monstres mais ça pareil, on en parle pas beaucoup, à part Rodan personne ne vient l'aider à la fin. A l'annonce du film, je m'attendais à un Godzilla, Rodan et Mothra vs Gidorah, Rodan étant rarement un vrai antagoniste, mais non, 2v2, ça chamboule les rapports de force.
J'ai conscience d'avoir un discours de fan déçu qui a ses attentes par rapport aux kaijus, et généralement je comprends lorsqu'une équipe créative souhaite apporter une direction nouvelle, mais autant faut-il qu'il y ait une véritable direction vers laquelle où allait. Si l'action apporte son lot de sensations fortes, je ne vais pas cacher que j'ai été emporté par certaines scènes, le traitement de Godzilla et de sa mythologie a largement été bâclé, et lorsque l'on veut construire un univers cinématographique (le MonsterVerse), c'est vraiment préjudiciable parce que là, on y croit pas.