Comme un retour aux origines, ce nouveau Godzilla s'inscrit dans le contexte de l'après-seconde guerre mondiale, ou la créature dérangée par la folie de l'homme a été boostée aux essais atomiques de Bikini. C’est un excellent film à grand spectacle qui arrive clairement à poser ces enjeux, à développer de l'empathie pour ses personnages et à déployer un contexte plutôt riche.
Le fait d'introduire petit à petit la créature permet de mieux ressentir à l'échelle humaine la terreur qu'elle représente. Ainsi quand Godzilla arrive enfin en ville, la destruction qu'il provoque n'est pas gigantesque et déshumanisée à la Marvel, on ressent bien plus les conséquences directes sur la population. Ce procédé permet également de faire monter la tension pour aboutir à des scènes d'action dynamiques et lisibles où on reste au bord de son siège en retenant son souffle. Avec ce film on en revient à l'essence du film à grand spectacle, ou sans cesse le gigantesque côtoie l'intime. Probablement en hommage, le monstre garde son design d'origine — ce qui fait par moments un mélange assez étrange entre une créature à la queue extrêmement mobile et aux déplacements aquatiques rapides mais à la marche lente et au torse très fixe. C'est d'ailleurs pour ça que les scènes maritimes ce sont les plus impressionnantes. J'ai cependant apprécié les détails qui rendent la créature unique comme sa manière de se régénérer un peu comme un champignon ou encore le fait que son rayon thermique le détruit lui aussi dans un parallèle assumé au feu nucléaire.
Et puis il y a les hommes et le contexte du film. Nous suivons Koichi, kamikaze raté ayant assisté à la première apparition du monstre, incapable alors de lui tirer dessus et contribuant à la mort de ses camarades. Il incarne ainsi une double honte : celle de celui qui a failli à son devoir et celle d'un pays qui a perdu la guerre et la supériorité morale. Ici Godzilla est en quelque sorte son fantôme. Le choix du Japon d'après-guerre et surtout de la mise en avant d'anciens soldats peu gradés, aujourd'hui citoyen lambda, rend le film plus intéressant. Il permet d'une part de montrer la reconstruction aussi bien de la ville que des esprits, mais aussi une critique envers une guerre qui ne faisait que peu de cas de ses soldats. La présence américaine est subtilement mise à l'écart par un contexte de guerre froide naissant, permettant là aussi au film de se concentrer sur une approche plus intime. Bien sûr, dépolitiser la guerre et offrir un adversaire à ses soldats déchus à presque une fonction curative et le film s'emploie à revaloriser l'image de ces individus — mais nous pourrions arguer que tout film est politique, et que les films d'action américains qui vantent le héros individuel face à l'adversité, épaulé par ses camarades, cherche tout autant à partager son modèle. Cependant on peut apprécier que le film garde ces nuances et cherche un équilibre entre critiques de la guerre et réhumanisation de ces soldats.
Godzilla Minus One s'inscrit dans une lignée de films sincères que l'on a plaisir à redécouvrir au cinéma. On peut avoir du mal avec le surjeu de certaines scènes mais elles témoignent d'une volonté de sérieux louable face aux films cyniques et potaches qu'on nous resserre à longueur de journée. Je regrette peut-être juste un peu que le film ne réfléchisse pas plus à l'origine de son monstre, mais peut-être était-ce vouloir traiter de trop de sujets à la fois.
En l’état, c’est un film devant lequel on passe un bon moment, aussi bien sur la forme que sur le fond.