Not ready. Je suis littéralement sorti énervé de ma séance, et je me trouve dans l’obligation de détruire ce film par la force atomique pour me passer les nerfs de ces 2 heures honteusement gaspillées. C’est une expérience lunaire de regarder Shin Godzilla en préparation du visionnage de ce Minus One dont tout le monde disait tant de bien… Pour au final se retrouver face à cet accident, ce naufrage. C’est absolument édifiant, presque traumatisant de voir la différence de qualité artistique et technique qui sépare ces deux traitements du même mythe cinématographique moderne. L’absence d’âme, l’amateurisme, même le foutage de gueule qui traverse ce projet est absolument honteux et j’ai un besoin viscéral de coucher sur papier virtuel l’analyse comparative qui habitait ma tête pendant toute ma séance, je trépignais, je faisais vraiment “non” de la tête tellement j’étais écrasé par certaines séquences misérables. Un vieux de plus de 60 ans s’est littéralement endormi et ronflait à la rangée devant moi pour vous donner un petit aperçu du niveau que ce film a à offrir (bon en fait ça aurait aussi pu arriver devant Shin Godzilla quand j’y pense mdr). Si vous avez pu débrancher votre cerveau, que vous ne cherchez rien de cinématographiquement réfléchi dans un Godzilla, je vous respecte, chacun cherche ce qu’il veut dans la vie, les goûts et les couleurs ne discutent pas, ne venez pas à nouveau me traîter de pisse-froid dans les commentaires par pitié. Mais là j’ai littéralement la bave aux lèvres, j’ai besoin de sortir pour avaler du sang… Comme toujours tout était programmé, le titre était précurseur, et Minus One c’est vraiment la note que je décernerai à ce film.
Il n’y a absolument rien à sauver, à aucun niveau. Tout me paraît objectivement raté, je vais y revenir point par point. Je commence par deux éléments liés : la mise en scène et la créature. Homer Simpson “C’est nul”. Ce Godzilla est sans âme, il pourrait sortir des films américains tellement son design est insipide, plat et gris. Ses animations sont sous Lamaline 10 mg d’opium, le caïman lâche des combos de Street Fighter sur les bâtiments de Ginza on ne sait pas pourquoi on le croirait sorti de l’arena fighter de 2014 sur PS3. Je me suis retrouvé à reconsidérer tous les choix de Anno pour le Shin Godzilla et le fait de faire évoluer son design au fur et à mesure du film pour rendre la créature moins palpable et décontenancer les attentes du spectateur était une idée de génie (et du calibre et du style d’Evangelion). On se retrouve encore une fois confronté à la plus grosse erreur de débutant : montrer beaucoup trop de la créature, beaucoup trop tôt. Dès les premières minutes de film on voit Godzilla en intégralité, visible en pleine lumière dans une version Éco++++ du lore de King Kong où il hante une île un peu paumée. Je déteste ce lore, je le trouve anti-anxiogène au possible car on identifie la menace, on connaît ses origines dès le début là où Anno faisait miroiter jusqu’à la fin du film les ultimes révélations sur l’origine et les caractéristiques de son monstre. C’est pas comme si tous les films depuis le début de l’histoire du cinéma avaient prouvé que ça payait de ménager le suspens autour de sa créature, Les dents de la mer, Alien, non tout ça n’existe pas on regarde encore du divertissement des années 60. La première attaque au laser est un cas d’école également, je suis pratiquement sûr que c’est dès la première demi-heure. Quand tu as fait ça il n’y a plus aucune évolution possible pour ton monstre, tu as fini d’abattre toutes tes cartes pour menacer le spectateur. Et ce serait défoncer des portes d’ambulances ouvertes que de la comparer à la même scène dans Shin avec la musique de Shiro Sagisu et ce visuel de fumée hallucinant dans un Tokyo fantôme…
Globalement tout pue le fond vert à plein nez, rien ne paraît réel, palpable, rien n’a d’impact. Tokyo post-bombardement en toc, scènes en bâteau remplis de PNJ PS3 naviguant sur un océan d’eau digitale. Tout est très mal foutu, et d’ailleurs pourquoi avoir voulu filmer autant de scènes de combat en bâteau contre Godzilla dans l’eau, soit littéralement une étendue plate bleue ? Où est la destruction de société avec conséquence sur les populations et la politique ? Où est le gigantisme ? Le réalisateur va de temps en temps chercher le plan séquence, genre la première attaque sur Ono ou certains monologues de PTSD du protagoniste et je respecte ça mais à quoi bon si tout le reste est insipide au possible ? Je ne parlerai même pas des red flags interdits du mauvais blockbuster dégueulant, j’ai nommé les scènes émotions SYSTÉMATIQUEMENT soulignées par des choeurs et violons larmoyants, les montages musicaux avec des gens qui travaillent ensemble, les événements tristes qui flashent pendant les moments épiques, pire encore le over happy ending en 2024 c’est insupportable.
Le rythme est à chier par terre après une dégustation abusive de haricots blancs, tout aussi artificiel que le reste. Les attaques de Godzilla obéissent aux lois du scénario : le wagon du train qui retombe pile-poil sur les rails du tram de la femme du protagoniste c’est digne d’une blague des frères Zucker sauf que c’est très premier degré. Les mines sont téléguidées avec une technologie de retardement sortie du chapeau du père Noël (sauf que la fête n’est pas censée exister au Japon), Godzilla procède de temps en temps à des replis stratégiques genre il arrête de casser les pieds aux gens et retourne manger du saumon dans la mer de Chine, POURQUOI CA BON DIEU ! On a quand même là le seul film catastrophe où les personnages se tapent des petites bières tranquillement entre deux attaques de fléau mondial, “Ho vas-y je vais aller faire des petites démarches administratives pour recruter un pilote d’avion aujourd’hui, puis jouer aux Hot Wheels avec ma fille en rentrant chez moi le soir”. La veille 30 000 personnes crevaient en centre-ville, OK… On est à des années-lumières de la tension ininterrompue du film de Anno, qui condensait en 3 jours la lutte mondiale contre ce monstre immuable, qui avance et dont on ne parvient pas à endiguer la progression… Ce traitement de la créature était fascinant, Godzilla n’affichait aucun sentiment empathique, c’était un fléau dans sa définition la plus pure qui détruisait la vie sous son passage sans ressentiment hormis les lois (radioactives…) de la nature. On en venait presque à le prendre en pitié sur les premiers bombardements, et on voyait notre mâchoire s'effondrer au sol face à la puissance de sa destruction laser.
Le scénario de Minus One me semblait prometteur en lisant les 4 lignes du pitch sur Internet, avec ce thème autour de la lâcheté d’un homme, de la pression qu’on ressent à cause d'un système social, vis-à-vis de ses pairs… Au final voici le vrai pitch du film : une association de quartier va affronter une menace planétaire. C’est l’adaptation de la fanfic Wattpad d’un enfant de 12 ans ? Le trauma du héros est forcé et surtout ne va nulle part, rien n’est dit sur la société japonaise à part des phrases de cons sur “On doit vivre”.
Pas de sacrifice final à l’horizon, qui aurait donné le style d’une tragédie grecque où le destin suivrait dramatiquement son cours. Non, à la place on se retrouve avec cette conclusion absurdement ridicule de positivité insensée (j’étais en convulsion face aux types qui font du O7 devant la carcasse de Godzilla). On dirait une parodie de JDG, d’ailleurs si un simple avion rempli d’explosifs suffisait à battre Godzilla pourquoi le gouvernement n’est pas intervenu après le massacre de 30000 civils à Tokyo ??????? C’est à se casser la tête d’incohérence, encore une fois Anno a trouvé une belle solution bien tarabiscotée et à la métaphore finale subtile pour achever son fléau. Pire encore, Minus One tease une suite alors même qu’il n’y a déjà rien à tirer émotionnellement de cette immonde première bouse. La meuf du héros a été infectée c’est quoi encore ce bourbier ? Ça va repomper le lore de Anno avec Godzilla qui imite les humains (qui les infectent ici) ?
Le sound-design est le seul truc qui n’est pas complètement honteux dans ce projet. Ca pète bien, y’a des grosses basses, le minimum syndical est fait même si c’est le niveau 0 du blockbuster, on est encore une fois loin de la démarche assumée de Anno qui consistait à reprendre tous les bruitages d’origine pour sa mouture. La musique passe aussi, mais encore un truc qui me rend nerveux : le fan-service de con avec le thème original du film de 54. Quelqu’un a quand même osé écrire dans les commentaires Youtube de l’OST “Holala la nostalgie de cette musique construit de la tension juste sur une scène avec deux bâteaux qui se croisent” !....... Ben justement non…. Vous avez pété un câble, l’humanité est perdue avec des raisonnements pareils, effet pavlovien mal placé… Dans ce cas, est-ce que dans une vidéo de chat qui trébuche avec la musique de Godzilla il y a de la tension ? Est-ce que dans une vidéo de moi qui chie par terre avec la musique de Godzilla il y a de la tension ? On marche sur la tête, je me demande comment l’émotion peut bien fonctionner chez certains, une musique ne comble pas le vide cinématographique ! Vous allez voir un film ou écouter un CD ?
Ma théorie sur le succès de ce film c’est que les fans étaient affamés d’un retour de Godzilla chez les japonais, à la Toho. Ils avaient un manque de films de Kaijus ou peut être une overdose du cinéma “à l’américaine” qui parvient peut être à encore plus manquer d’âme que cette coquille vide, mais là ce film aurait pu être 1h30 de Godzilla qui fait du vélo ça aurait été la même chose, j'aurais peut être même été un peu plus ému par un tel parti-pris. On est à peine en janvier et je tiens probablement déjà mon pire film de l’année, on est sans tortiller dans le top 5 des plus gros scandales industriels qu’il m’ait été donné de voir. Je me demande bien quelle influence ce Minus One pourra bien avoir sur son mythe, là où le projet de Anno était habité de sa fougue habituelle pour offrir une vraie relecture bourrée de bonnes démarches. Ce Godzilla mythique, iconisé, évolutif et divinement incarné, qui hante encore l’imaginaire des gens avec ces vidéos de 40 minutes sur ses différentes formes Lovecraftiennes. Cette mise en scène efficace, hyper esthétique, dotée de plusieurs moments forts et d’idées originales comme les postes politiques ridiculement affichés à outrance. Cette ambiance qui s’emparait bien plus subtilement de la sève de la saga, tangente comme toujours chez Anno avec cette apocalypse présentée autant du point de vue des victimes civiles, que des politiques incompétents, que du monstre lui-même…
C’est un véritable cas d’école de comparer les deux projets, exercice idéal à appliquer en école de cinéma. On voit là comment à partir d’un même mythe, en jouant sur la mise en scène, le rythme, le scénario, le sound-design on peut obtenir autant une œuvre touchante d’artiste qu’un foutoir indigent.
Dernier détail en spoil car ça fait péter un câble, les mecs font remonter Godzilla avec des ballons flotteurs… Pourquoi ne pas le laisser au fond de l’eau pour qu’il se noie ou un truc du genre j’en sais rien ?????