Après avoir montré la traque de Guy Georges et avoir fait de Pierre Niney un pompier défiguré, Frédéric Tellier s'attaque au sujet des pesticides dans l'agriculture et les ravages qu'ils provoquent. Comme pour L'affaire SK1 (2014), le réalisateur a fait des recherches durant de nombreuses années (5 ans selon ses dires) avant d'accoucher du premier jet de Goliath.
La force du film est de montrer trois points de vues bien différents. Celui de la justice par l'avocat incarné par Gilles Lellouche ; puis celui des victimes avec Emmanuelle Bercot, femme d'un homme ayant un cancer dû à des pesticides (Yannick Renier) ; et enfin Pierre Niney le lobbyiste faisant tout pour que les dits pesticides ne soient plus interdits. Les deux premiers font face à leurs manières au dernier. Lui se bat contre la corruption et compte bien faire éclater une vérité qui dérange. Elle voit les effets des pesticides sur son mari et se bat auprès d'activistes contre ceux qui amènent l'accès à ces dangers de santé publique. Ce sont eux les fameux David, des gens face à un Goliath aussi impressionnant que tentaculaire.
Niney incarne parfaitement cet aspect, homme de l'ombre alignant les pions jusqu'à arriver au but. Ainsi, une phrase disant que le tétrazine est aussi nocif que des bonbons va être dites une première fois. Puis tel un virus va se propager jusqu'aux plus hautes instances du pouvoir, devenant ainsi un argument imparable. Car si tout le monde le dit, c'est que c'est forcément vrai. Comme quoi, une simple phrase peut amener le chaos à elle toute seule. Tout le travail de Niney relève de la désinformation et de la bassesse. Tout est bon pour arriver à ses fins, comme payer un scientifique pour qu'il raconte le blabla sur les bonbons au 19/20 ; alimenter les trolls pour dégommer la parole d'un avocat ; lui proposer de l'argent pour qu'il stoppe ses investigations ; ou soudoyer des politiques pour qu'ils votent contre l'interdiction.
Tellier s'amuse même à confronter d'une scène à l'autre deux mondes que tout sépare. D'un côté la détresse de Bercot et les traitements de son mari ; de l'autre Niney qui fait la fête dans un château pour la naissance de son enfant. La misère et le fric roi s'entrechoquent de manière violente, montrant une différence flagrante des priorités. Cet exemple en est un parmi d'autres, le réalisateur faisant cela tout au long du film pour montrer ce décalage souvent indécent. Car derrière des discours pompeux, il y a des vies en jeu et un constat dramatique.
Le personnage de Bercot est d'ailleurs présenté de manière énigmatique, le réalisateur la montrant d'abord au quotidien comme professeur d'EPS avec un second emploi le soir. Plus le film avance, plus on comprend son lien avec le reste de l'histoire. Elle n'est pas là par hasard, elle est directement concernée par le problème au quotidien (son mari comme d'autres dans son coin sont des victimes des pesticides propagés par un agriculteur sur ses récoltes). Un aspect qui dévoile aussi qu'il n'y a pas que les agriculteurs qui sont touchés, mais aussi les civils qui vivent autour des champs. Ce qui permet au spectateur de s'identifier davantage et de se dire que cela peut arriver à tout le monde.
Un sentiment d'impuissance se propage donc durant tout le visionnage de Goliath. Il n'y aura pas de happy-end ici. Juste des gens qui se battent face à un ennemi que l'on arrive difficilement à déboulonner. Tellier réussit à tenir en haleine le spectateur comme il l'avait fait autrefois avec le serial killer numéro 1, transformant un drame humain en thriller qui laisse un goût amer en bouche.