Greenaway ou le profanateur de ces cultures...


Cinéaste controversé, peintre de formation et doué d'une érudition artistique qu'il régurgite aisément au coeur de son Oeuvre Peter Greenaway s'est très vite imposé comme un réalisateur fasciné par la barbarie humaine, usant de son bon goût et de son élitisme au service d'une esthétique gouvernant souvent d'étranges récits cryptés, esthétique conjuguant le sublime et le grotesque dans l'équilibre le plus édifiant. Cela donne de superbes chefs d'oeuvre tels que le vertigineux Drowning by Numbers et le sidérant The Baby of Mâcon, mais aussi quelques ratages tel que l'antipathique Ronde de Nuit.


Goltzius, sorte de happening théorique se déclinant sous la forme de six tableaux construits autour du thème du tabou sexuel biblique, appartient malheureusement à la deuxième catégorie. Ultra-démonstrative, visuellement écoeurante, cette oeuvre-monstre demeure très claire dans ses intentions : placer le catholicisme face à ses propres contradictions et son hypocrisie morale. Le film de Greenaway a au moins l'avantage d'aller au bout de son idée, s'imposant courageusement comme un objet d'Art iconoclaste particulièrement cohérent, et ambitieux qui plus est.


Hélas Greenaway ne dépasse jamais le cadre du film à thèse, enfermant son propos dans un dispositif cruellement sclérosé. L'installation scénique, louable dans ses multiples audaces, n'en finit pas de mettre à distance cette succession de représentations composées sous le signe du blasphème. Greenaway ose tous les supports et toutes les provocations : images protéiformes, direction artistique extrêmement travaillée, fantasmes érotiques morbides et sexualités crûment présentées... Difficile de ne pas voir dans cette indigeste accumulation d'effets trash accouplés au discours soutenu des personnages une regrettable suffisance intellectuelle, voire du mépris pour le néophyte. C'est ampoulé, pompeux et formellement saturé.


On préfèrera se replonger dans un Greenaway de la grande époque tel que le somptueux Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant, autre réflexion sur la décadence morale du genre humain ( le film, à l'instar de Goltzius, prend à bras-le-corps le sujet du cannibalisme, mais de manière nettement moins appuyée, plus subtile et plus homogène, faisant corps avec le récit ). Un film lourd, non dénué de qualités mais sacrément énervant dans sa volonté d'asséner ses prétentions.

stebbins
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le 12 déc. 2015

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