Garrone dit avoir construit son film comme un reportage animalier en milieu naturel.
Dès la scène d'ouverture, le côté graphique saute aux yeux. Beaucoup de soin autour de l'image: surexposition, couleurs, contraste balancent entre « réflexe esthétisant » et rendu « tiers monde du sud » loin des clichés sur l'Italie et servant magnifiquement le propos du film.
On suit, au départ avec un peu de difficulté, 5 tranches de vie plus ou moins parallèles, dans le pays napolitain. Des gens qui font partie de la Camorra (l'organisation de type mafieuse locale), voudraient y entrer, voudraient éviter d'y avoir affaire, collaborent ou subissent. Pas d'intrigue à proprement parler, pas de personnage principal, peu de rôles sympathiques ou attachants. Beaucoup d'impulsivité, de violence directe, de souffrance, mais, finalement, simplement au nom de la seule logique commerciale. Implacable.
Ce système mafieux ne fait qu'appliquer, sans aucun respect pour la vie humaine, la loi du marché et les recettes du capitalisme triomphant: compétition, dumping, lobbying. Il participe au soutien de la « compétitivité » de l'économie locale et par extension celle de l'Europe face aux autres continents.
La conclusion du film nous montre que, derrière notre accès relativement facile, à un certain luxe, confort ou glamour, il y a des gens qui souffrent pour rendre cela possible. Notre économie repose sur l'exploitation, l'extorsion, l'esclavage et se retrouve complice, sinon à l'origine, de cette violence.
Gomorra devrait déranger plus pour cette démonstration magistrale que pour son éloignement des codes cinématographiques du genre. Le constat est difficilement supportable, il nous reste donc à trouver des solutions.