Parmi les thèmes récurrents du cinéma et de l’art en général, il y a la figure du personnage dénué d’émotion. Qui, sans être froid et antipathique, vit avec un détachement si profond que l’on se pose des questions sur son identité, ses véritables intentions ou arrière-pensées. On pense entre autres à « L’Etranger », de Camus, ou « The Barber » des frères Coen. Pour son dernier long-métrage Gone Girl, le réalisateur culte David Fincher développe cette idée dans la première partie du film, afin d’insinuer le doute chez le spectateur, qu’il dissipera progressivement au cours du film, pour une seconde partie tout aussi étonnante.


C’est pour cela qu’il est difficile de parler de Gone Girl, tout l’intérêt du film résidant dans ses rebondissements inattendus, ses brouillages de pistes constants, et avec notamment des questions cruciales comme : le personnage incarné par Ben Affleck, Nick, a-t-il réellement assassiné sa femme ? L’intrigue du film ne se reposant d’ailleurs pas uniquement sur cela, là où « The Game », autre film du réalisateur, ne nous révélait la vraie nature des évènements que dans les dernières minutes du film. Mais c’est aussi en mettant en scène des personnages aussi mystérieux et insensible que Fincher a parfois du mal à impliquer le spectateur dans le film, les deux personnages principaux n’étant aucunement empathique ni l’un ni l’autre.


Ceci étant dit, les thèmes du film sont bien plus variés que l’on pourrait le croire au premier abord. Car pour que Nick évite la peine de mort, il va d’abord devoir convaincre les médias de son innocence pour retourner l’opinion générale en sa faveur. Les journalistes sont montrés ici comme des vautours, et les enquêteurs comme des incompétents manquant d’impartialité. On retrouve d’ailleurs cette critique de la société dans Mad City, où John Travolta doit lui aussi jouer avec les humeurs de l’opinion publique pour survivre. Pour parler de la mise en scène, les nombreux plans rapprochés symbolisent la thématique la plus récurrente dans la filmographie de Fincher, cette sensation d’oppression à la limite de la claustrophobie. Le réalisateur a montré autant avec Alien 3 qu’avec Panic Room son obsession pour les huis clos, et réitère avec toujours autant de talent dans Gone Girl. L’ambiance est donc plutôt bien travaillée, même si c’est le déroulement du récit qui prend systématiquement le pas.


Gone Girl n’est donc clairement pas aussi marquant que d’autres films de David Fincher comme The Social Network, mais il arrive à rester cohérent et passionnant malgré des thématiques nombreuses, et c’est déjà très bien. Et si l’on peut être gêné par l’impartialité et la froideur presque clinique de sa mise en scène, elle permet au spectateur de se forger son propre point de vue sur les décisions des personnages, en plus de le surprendre et le déstabiliser constamment.

Marius_Jouanny
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le 29 oct. 2014

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