Amy Elliott Dunne - Un jour après le film -
Nick et moi (grammaire correcte) sortons du cinéma bras dessus bras dessous, singeant les quelques couples éprouvettes éclos lors de cette séance du Vendredi soir. Nous n'échangeons pas le moindre regard. Je sais déjà ce qu’il y a à voir sur le visage de mon mari. En surface, la commissure de ses lèvres doit dessiner un léger rictus de satisfaction. Sa version de Notre histoire se répand enfin. Il a l’impression qu’une infâme injustice vient d’être réparée.
Grand bien lui fasse.
Je sais aussi que dans ses yeux, je trouverai le verni «Mari Parfait» de ma création recouvrant ce petit rictus sournois. «A force de faire semblant d’être amoureux, on le devient», n’est-ce pas Nick ?
Pour être tout à fait honnête, je m’attendais à une grande contrariété avant la séance. Quand j’ai appris que David Fincher allait s’emparer de cette histoire. De Notre histoire. J’étais furieuse. C’est l’adaptation de mon «Epatante» (toujours en vente chez votre libraire) qui aurait dû se retrouver en haut de l’affiche.
Avec Clint Eastwood à la réalisation.
Mais étrangement, je suis calme.
Je suis calme car le résultat est raté.
D’abord, je n’arrive pas à comprendre pourquoi le film fait rire. Dans la salle, les éclats se succédaient. Les blagues s’enchainaient. Notre couple n’est pas une farce. Je suis disciplinée, prête à tout, rigoureuse, froide. Mais drôle ? Non monsieur Fincher, notre couple n’est pas drôle. La patiente réalisation de mon chef d’oeuvre ne peut convaincre personne si elle a l’air de sortir d’une farce. Et tant que j’y suis, voici quelques notes pour votre scénariste qui me connait pourtant si bien: Non, ma vengeance ne m’a pas pris soudainement un bon matin. Non, je n’ai pas écrit les 300 pages de mon journal en une journée. Non, je ne prends pas le temps de me recoiffer après avoir égorgé quelqu’un. Non, je n’ai pas pris puis reperdu 20 kilos en l’espace de 2 semaines. Et définitivement: Non, je n’ai pas planifié ma vengeance parce que mon mari me trompait. Ne confondez pas la cause et la conséquence. Nick a cessé d’être celui qu’il m’a promis d’être. Je l’ai fait redevenir celui qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être pour moi. Point.
En ne justifiant pas mes motivations réelles, vous restez au ras du sol.
Les spectateurs suivent une enquête de Police désamorcée dès le milieu du film, et n’ont plus aucun intérêt pour ce qui aurait dû être le coeur de votre film: Moi.
Je lis également des commentaires dithyrambiques sur la performance des acteurs jouant nos rôles.
Ben Affleck est Ok. Nick est flatté par la représentation physique qui est faîte de lui. C’est vrai qu’il traîne un regard de cocker anémié comme personne. Fincher ne le rend spirituel que quelques minutes sur nos 7 ans d’ histoire mais si cela suffit au spectateur pour comprendre que je craque pour lui pourquoi pas.
Par contre, je ne sais pas bien si votre scénariste vous a mis au courant mais je suis physiquement TRES belle. Pas «pas mal», ni «mignonne». Je suis TRES belle. La souillon que vous avez choisi pour moi, en plus d’avoir un charisme de poisson rouge et un prénom à coucher dehors, est fade. Je ne suis pas fade. La pauvre fille surjoue grossièrement la moindre émotion que je suis censé ressentir sans aucune finesse. Elle me rend ridicule. Pire, elle fait parfois rire le spectateur.
Encore une fois pour enfoncer le clou: je ne fais pas rire, monsieur Fincher. Pas à mes dépends en tout cas.
Je ne m’attarderai pas sur les seconds rôles d’Andy et de Desi. J’imagine que vous avez choisi Miss tétons 2013 et NPH pour des raisons promotionnelles. Sachez juste qu’ils contribuent également à leur niveau à faire sortir un peu plus le spectateur du film.
Carrie Coon par contre, est étrangement raccord à Margot, la soeur de Nick. Un bon point.
Je résume donc: merci de n’avoir pas su rendre crédible une seconde le fait que Nick puisse rester avec moi. Merci d’être passé à côté du vrai sujet de votre film. Merci de ne pas avoir compris, comme le titre de votre film le laisse parfaitement entendre d’ailleurs, que «Les Apparences» et la psychologie des êtres sont plus importantes qu’une «Gone Girl».
Je n’ai rien d’autre à ajouter. Je voulais simplement m’assurer que j’avais le dernier mot. Je trouve que je l’ai bien mérité.
PS: Et dire qu’un Disney se prépare pour Noël avec encore une fois «L’Epatante Amy» en adorable fille parfaite. Merci Papa. Merci Maman.