Adaptation d’une œuvre théâtrale du dramaturge Monzaemon Chikamatsu dont le réalisateur Masahiro Shinoda avait déjà adapté Double Suicide à Amijima, Gonza Le Lancier est un pamphlet non dénué d’une certaine distanciation ironique du jusqu’au boutisme grotesque des rectitudes de la tradition dans la société japonaise.
Adulé par les femmes pour sa beauté et ses aptitudes et ses qualités de bretteur, Gonza le lancier, dont on chante les louanges gagne le droit de diriger une prestigieuse cérémonie de thé pour son seigneur et d’épouser la fille de ce dernier par la même occasion. Mais voilà la jalousie de son principal opposant va faire basculer le destin de ce jeune samouraï.
C’est avec une approche très théâtrale et un minimalisme froid que Shinoda adapte cette œuvre à la beauté plastique irréprochable. On pense forcément au cinéma de Mizoguchi et sa science infuse de la sur-dramatisation dans ce film à la lenteur manifeste qu’une réalisation parfaitement maitrisée et un esthétisme de tout premier choix sortent de l’ennui et de la surexposition. Dans la réalisation même on ressent l’influence Mizoguchienne, avec ces personnages féminins mis au diapason et certains procédés de mise en scène comme l’utilisation de lents travelings à travers de longs couloirs vides.
Appartenant à la nouvelle-vague japonaise au même titre qu’un Shôhei Imamura ou un Nagisa Oshimâ, Shinoda accentue la dramatisation tout en prenant suffisamment de distance, souvent dans le hors-champ, avec son sujet pour que son film ne tombe jamais dans le pathos affilié à ce genre d’œuvre. Il s’immisce tellement dans les coursives de cette aristocratie hautaine et figée qu’il la tourne en dérision en montrant l’incroyable bêtise de ces traditions à la rectitude béate. La vie des êtres passent et trépassent, demeure la réussite de la mise en application d’un cérémonial absurde.
Même si le film a parfois tendance à se traîner de par une surexposition qu’on pourrait considérer de contemplative, l’alchimie prend grâce à la maîtrise d’un réalisateur de grand talent qui sait associer esthétisme et narration, tout en omettant jamais le pure genre dans un final explosif avec une joute d’une violence ahurissante qui fait penser à l’action-painting couleur sang d’un Kenji Misumi.