La chute du mur de Berlin en 1989 fut un événement historique significatif, non seulement pour le peuple allemand, mais aussi pour une grande partie du reste du monde. En plus de réunir deux systèmes politiques très différents, il marque un tournant majeur dans le soulèvement capitaliste qui s’est produit dans de nombreux autres états socialistes de l'Europe de l'Est. Les cinéastes du monde entier ont depuis exploré les causes et les conséquences de la réunification allemande et aujourd’hui encore, ils continuent d’apporter leur vision sur un événement qui s’est produit il y a maintenant plus de trente ans. Good Bye, Lenin ! de Wolfgang Becker est probablement l'un des meilleurs représentants, si ce n'est LE meilleure représentant, de cette mouvance.
Dans Good Bye, Lenin ! on se moque gentiment des deux systèmes politiques communiste et capitaliste, en prenant bien soin de ne jamais prendre parti ni pour l'un, ni pour l'autre. Au lieu d'affronter de front telle ou telle position politique, Wolfgang Becker fait appel à la satire pour dénoncer les absurdités d'une Allemagne nouvellement réunifiée. C'est dans cette optique qu'il choisit de se concentrer sur les changements de vie d'une famille berlinoise particulière, dont le père est parti dix ans auparavant en RFA, laissant derrière lui la mère (Katrin Sass) et ses deux enfants Alex (Daniel Brühl) et Ariane (Maria Simon) en RDA.
Nous sommes en 1989 et la mère d'Alex, qui est une fervente partisane du parti communiste, souffre d’une crise cardiaque. Elle se retrouve alors dans le coma tout au long des mois qui verront la chute du régime communiste. Quand elle se réveille, les médecins avertissent Alex de ne pas lui causer d’anxiété, au risque de provoquer un second infarctus qui serait alors mortel. Alex déploie alors des efforts démesurés pour lui faire croire que le système communisme à Berlin-Est est bien toujours en place.
Il y a beaucoup d'humour dans Good Bye, Lenin ! et même pendant les scènes les plus sombres du film (et il y en a), il ne perd jamais son sens de l’humour. L’humour du film fonctionne beaucoup sur l'absurde, c'est un comique de situation. La quête incessante d’Alex pour obtenir des pots de cornichons Spreewald (une marque du temps de la RDA) et la scène où la mère d’Alex allongée sur son lit aperçoit par la fenêtre la bannière Coca-Cola suspendue au bâtiment d'en face, sont deux exemples parmi tant d'autres de situations comiques qui jalonnent le film. Ce sont toujours des situations absurdes, à la fois drôles et sensibles.
Et en plus d’être drôles au premier degré, ces situations fonctionnent à un double niveau, celui du symbolisme et de la métaphore. Par exemple, les cornichons de Spreewald,qui sont impossibles à trouver après la chute du mur, sont représentatifs du "bon vieux temps" pour Alex, un temps où il connaissait les coutumes de son pays et où sa mère était en bonne santé. Sa recherche presque frénétique des pots de cornichons montre son désir de revenir en arrière "comme c'était avant". De même, le déploiement de la bannière Coca-Cola est un symbole fort du capitalisme qui s'introduit au sein de l'Allemagne nouvellement réunifiée. Une fois que vous commencez à voir, partout où vous portez votre regard, des logos de Coca-Cola et de Burger King, vous savez que le capitalisme s’est imposé de force et qu’il n’y a plus moyen d’échapper à son étreinte ... pour le meilleur et pour le pire.
Les mensonges d’Alex et ses tentatives de préserver le passé pour sa mère, sont assez innocents au début, mais ils finissent par avoir des répercussions sur sa propre vie. Les efforts démesurés qu’il déploie pour rendre sa mère heureuse, en éliminant tous les signes de la révolution populaire allemande, sont en effet très drôles, mais ils sont aussi très tristes. Bien que les mensonges fonctionnent de prime abord pour garder sa mère heureuse, ils plongent Alex et sa famille dans un tel embarrassement et un tel niveau de tromperie, qu’ils finissent par perdre les liens qui les unissent les uns avec les autres. Le stress de devoir maintenir cette façade, devient insupportable pour la sœur d'Alex, à un tel point qu'elle aimerait presque que sa mère soit morte.
Il n'est vraiment pas nécessaire d'avoir vécu la réunification pour apprécier le film à sa juste valeur. Les situations sont juste drôles et tendres prises telles quelles. Ainsi, Good Bye, Lenin ! fut pour moi une expérience drôle, sensible, sincère et incroyablement enrichissante.