Deux frères, un hold-up, une nuit. Et New York côté Queens, filmée comme dans les années 70, craspec et anonyme, sans un gramme de glamour. Ben et Joshua Safdie, jeunes pousses du cinéma indépendant américain (héritiers indirects d’Hal Hartley, d’Harmony Korine, d’Amos Kollek…), pour leur quatrième long-métrage, revisitent le polar urbain avec l’air de ne pas vouloir y toucher. Avec son côté faussement arty, genre du néo-Cassavetes éclairé aux néons ou un After hours recolorié au Stabilo fluo, le tout nappé d’une bande-son électro grisante (mais beaucoup trop envahissante) signée Oneohtrix Point Never, Good time peine à imposer ses prétentions cinématographiques et ses envies de modernité.


L’écueil principal du film réside dans ce choix scénaristique de séparer, très rapidement, le duo familial. Alors que l’intrigue semblait partie pour privilégier cette dynamique-là, celle de deux frères pieds nickelés dont l’un, déficient mental (Nick), est surprotégé (mais utilisé aussi) par l’autre (Connie), Good time file dans une autre direction en ne se concentrant plus que sur Connie, personnage sur le fil tout droit sorti d’un film des frères Coen, genre le mec qui n’a pas de bol, enchaîne les coups du sort et les mauvaises décisions (pour lui comme pour les autres). D’autant que la première scène, magnifique (et la dernière également, lors du générique de fin), impose Nick comme LE vrai anti-héros, touchant et singulier, du film, sorte d’aîné des villes du Lennie Small de Des souris et des hommes.


Son interaction avec Connie, néfaste et fusionnelle, et leur escapade nocturne suite à un braquage minable, promettaient de l’adrénaline, une urgence, des bouleversements et un rapport fraternel mis à mal, mais sacrifiés pourtant au seul crédit du parcours de Connie. N’ayant visiblement pas grand-chose à dire ou à lui faire faire, les frères Safdie (en)traînent celui-ci dans des aventures sans surprise (et sans tension) où l’on finit par se contrefoutre de ce qui pourra bien arriver. Sans parler de la plupart des protagonistes ayant dû mal à exister au-delà de leur fonction première (la cougar paumée, le loser pathétique, le sidekick boulet…), insignifiants et irrémédiablement perdus dans les afféteries phosphorescentes des Safdie. Robert Pattinson, lui, sauve ce qu’il peut de la besogne, plutôt correct et habité, mais pas transcendant non plus, à l’image finalement de ce (tout) petit truc qui se rêvait en (très) grand film.


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le 22 sept. 2017

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