J'ai vu ce film hier soir et ce dimanche matin je me sens encore ralenti.


Juste pour commencer, au dos de mon boîtier DVD et partout sur Internet, les histoires de dernière projection, de cinéma qui ferme, de réceptionniste qui n'a jamais rencontré le projectionniste, ça ne me semble pas du tout une évidence dans le film. Ou alors les indices sont très bien cachés, sur des affiches en chinois ou que sais-je. Je ne sais pas trop d'où vient cette idée d'ajouter du synopsis à un film qui dans sa narration n'en dit pas tant. J'avais déjà vu ça avec Twentynine Palms récemment, et sûrement ailleurs. Ça vient d'où ? Ce sont les distributeurs qui l'imposent ? Un peu dommage d'expliciter ce qui a probablement été pensé pour être laissé à l'interprétation du spectateur.


D'ailleurs, le titre original du film n'est pas Goodbye, Dragon Inn mais 不散 (Bú sàn), que je galère bien à faire traduire. D'après Google : Ne jamais partir. D'après DeepL : Aucun détail à régler. D'après Lingvanex : Ne pas répandre. D'après Wikipedia : Ne pas se disperser. Un joyeux bordel ! Bon, tout ça pour dire que même le titre original me semble dans tous les cas plus cryptique que sa traduction anglophone.


Ce matin, donc, pas envie de me mettre de musique, de regarder de vidéo. Envie de profiter du soleil qui se lève sur une Bretagne froide et pluvieuse. Et d'écrire un mot ou deux sur mon premier film de Tsai Ming-liang.


En tant que modeste spectateur et en tant que modeste photographe, je prends une humble petite claque visuelle comme ça faisait longtemps au cinéma. À part peut-être un panning ou deux et rien de bien frénétique de toute façon (dans le couloir avec les seaux quand Josette descend chez Marcel), on est exclusivement sur de longs plans fixes qui gravent chaque cadrage dans la rétine.


Goodbye, Dragon Inn, c'est une magnifique exposition photographique avec du son et du mouvement. Et cette lenteur contemplative n'est pas pour autant chamanique comme elle peut l'être par exemple dans Persona, où un stylo qui tombe vous sort de la transe. Non, ici, vous pouvez même vous permettre un petit commentaire à haute voix, de temps en temps, sans que ça casse le charme. Parce qu'il est comme ça, ce film ; chaleureux, tolérant aux petits bruits dans la salle. Tantôt on se laisse aller à regarder cette jolie réceptionniste perdue dans sa tête, tantôt on se perd soi-même dans la sienne.


Le rythme est incroyablement maîtrisé. Les plans ne sont jamais trop courts, jamais trop longs. La scène des urinoirs est aussi cocasse qu'irréelle, aussi banale qu'incroyable, on ne se lasse pas d'une seule de ces longues minutes.


Je crois que pour saisir toutes les couches de ce film, il me faudrait un peu plus d'outils. Pourquoi un Japonais, par exemple ? Je ne sais pas. Les cultures taïwanaise et chinoise doivent apporter des clés de lecture. Mais peu importe, au fond ce n'est pas une œuvre prétentieuse, elle n'attend rien de nous, on n'attend rien d'elle. Je suis resté à la surface sensorielle, largement virtuose en soi, d'un film qui sait vous redonner goût au temps qui passe.

Scolopendre
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le 28 nov. 2021

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