Un grand coup de cœur, pour ce film sorti deux années après Rébellion de Masaki Kobayashi, qui déjà plaçait Toshirō Mifune dans un rejet des conventions, Goyokin, l’or du shogun , bénéficie lui aussi, d'une ambiance particulière et assez sombre.
Tout concoure d'ailleurs à cette désespérance, dès l'introduction inquiétante d'un village abandonné aux corbeaux envahissants et aux plans de caméra dignes du thriller horrifique, au final d'un rite funéraire au rythme de tambours synonyme d'une époque révolue, en passant pour le reste par un hiver constant aux décors désolés de plaines enneigées, de mers déchaînées et de villages boueux abandonnés, balayés par le vent. L'ambiance est franchement westernienne, musique et photographie comprises.
La mise en scène malgré quelques effets parfois kitsch (fonds rouge, superposition de scènes, mais aussi gros plans ou changements abruptes de prise de vues) se situe plutôt en extérieur, tout en mettant en avant les nombreux combats aux environnements naturels changeants. Le cheminement est alors parfait venant rejoindre celui psychologique de notre samouraï en plein désarroi et assure un rythme sans défaut. Mais c'est aussi le théâtre qui ressort, mouvements lents et saccadés, temps d'arrêts, chorégraphie ralentie des combats qui donne un aspect toujours tranquille dans les échanges meurtriers...ou décalé lorsque les deux combattants souffleront constamment sur les mains pour les réchauffer, l'un se battant même avec une torche à proximité, prenant le temps de s'y réchauffer et de la déplacer au gré de ses mouvements...
Le parti pris direct et sans concession du réalisateur tout au long de son histoire, est montré également par une scène assez rare dans ce cinéma, qui a du mal à malmenée franchement ses héroïnes, par la situation d'une jeune voleuse soumise à la vindicte de ses victimes, que l'on traînera attachée à un cheval au galop. On ne s'attend ni à la violence ni à la rapidité d'exécution -même si on verra bien le mannequin qui remplace notre actrice-...
Hideo Gosha signe là une intrigue historique passionnante dans son déroulé malgré les ficelles propres aux films de sabre et opte pour un ton nettement moins excessif du genre.
Exit aussi les déambulations réflexives dans les hautes herbes balayées par la brise printanière, ou l'humour par des situations cocasses.. Nous sommes à la fin du XIXè siècle et les grandes valeurs des samouraïs sont moribondes.
Le respect du fameux code Bushido a laissé place au profit ou tout au moins à la survie pour ceux qui semblent désormais voués à disparaître par les incertitudes politiques et morales qui déstabilisent le pays et par un shogunat qui n'en oublie pas de prélever ses impôts.
Les missions du clan Sabaï se font rares et sa renommée périclite mais le clan doit payer son tribu. Une situation des plus précaires les verront s'en prendre à des navires du Shogun, allumant sur les falaises des feux trompeurs, et s'accaparer les cargaisons d'or des bateaux échoués sur les récifs. - je pense -et conseille en passant- le livre Naufrages d'Akira Yoshimura qui mettait en avant, par les évolutions liées à la modernité, la pauvreté d'un village côtier attendant patiemment avec cette même ruse, que les bateaux viennent s'échouer-.
Le clan décide alors de tuer les habitants, témoins des vols.
Tatsuya Nakadai aura là un de ses meilleurs rôles. Entre la tentation de s'abandonner à une vie d'errance, et sa quête de rédemption, hésitant entre l'abnégation du à son clan et sa vocation première, l'ensemble est à forte valeur nostalgique et bien sûr crépusculaire.