Film pionnier du genre, traitant à la fois de violence juvénile, de la faillite de l’Éducation, des communautés étrangères et de leurs descendants, du racisme aussi, Graine de Violence trouve un ton assez juste pour aborder ce thème nouveau, en évitant le pathos, les clichés et surtout le moralisme. Toutefois, la violence excessive, invraisemblable, tout comme la persistance irraisonnée du professeur Dadier, ou encore l’évitement (ou tout du moins le traitement clairement parcellaire et incomplet) de la question du contenu pédagogique discrédite partiellement le propos du film.
S’il est bien un défaut des films de Richard Brooks – par ailleurs cinéaste majeur de son temps, largement sous-estimé – c’est, il nous semble, un traitement un tantinet superficiel dans les questions abordées, comme si Brooks craignait d’assommer le public avec un excès de profondeur, si bien qu’il s’arrête là où il pourrait encore creuser. Ici, bien qu’il fasse preuve d’un certain sens d’anthropologue proposant son étude de terrain, il ne démonte pas la structure sous-jacente, ne pénètre pas assez la sociologie et la psychologie de ses personnages, s’en tenant à des conclusions aujourd’hui totalement surannées – de même la volonté tenace de Dadier et son retournement pédagogique relève, il faut le dire, d’une certaine démagogie, ou pour le moins de candeur.
Malgré ces lacunes, Graine de Violence n’en demeure pas moins un film original et audacieux, porté par une BO mémorable. De plus, Brooks signe une mise en scène impeccable, comme c'est le cas dans la scène inaugurale, petit bijou du genre. Citons aussi la photographie de Russell Harlan qui est remarquable. Enfin, comme toujours, Brooks dirige parfaitement ses acteurs, à l’image de Vic Morrow (l’insupportable Artie) qui rappelle dans certaines scènes les personnages de l’Actors studio, et surtout d’un Glenn Ford très convaincant, humain comme le sont toujours les protagonistes de Brooks (le duo d’assassins dans De Sang-Froid, Elmer Gantry dans le film éponyme), c’est-à-dire en proie à la faute comme lorsque Dadier traite dans un accès de rage Sidney Poitier de « negro » avant de se dédire.
6,5/10