Gran Torino par EmmaBennet

Oui, ce film peut sembler caricatural sur certains points, oui ce film est porteur de clichés, oui il peut avoir une vision assez manichéenne des choses, oui il peut aux yeux de certains sembler nationaliste et rendre supérieur l'américain moyen par rapport à d'autres nationalités, mais dans le genre film sorti du cinéma classique où l'on s'attend plus ou moins à ce qui va se passer, il faut admettre que c'est un film très réussi. Le personnage de Clint Eastwood parvient à nous être détestable mais également attachant, Thao qui au début est enfermé dans son mutisme possède en réalité une personnalité bien à lui, quant à Sue, elle, c'est le summum du personnage féminin réussi. Même si la plupart des personnages ne possède pas de personnalité ambigue, complexe (et donc intéressante) et que l'on peut vite distinguer les "méchants" et les "gentils", le personnage d'Eastwood, Walt, est tout autre. A travers sa vie le spectateur embrasse énormément de thèmes divers, psychologiques et sociologiques et politiques : la solitude, le deuil, les rapports familiaux, les rapports de voisinage, la mixité culturelle au sein de certains quartiers en particulier aux Etats-Unis où cela peut paraitre flagrant, les préjugés racistes de l'américain peu cultivé (lorsqu'il demande où est Hmong alors que c'est une communauté montre les limites de ses connaissances géographiques), le port autorisé d'armes à feux, l'existence de gangs qui se fondent en fonction de leur culture, le poids de la guerre sur la conscience, etc. Ce film propose des sujets variés qui peuvent toucher un grand nombre de personnes, entreprise d'autant plus remarquable lorsque le jeu est si réussi (bien qu'il soit toujours enfermé dans un style très froid, Eastwood est brillant). La relation qu'entretient Walt avec Thao et Sue est un message de paix et d'amitié après un début de film pourtant haineux : il finit par les voir comme ses enfants et les protéger voire les aimer comme il ne parvient pas à aimer ses propres fils avec qui il n'a aucunes affinités. La fin est magistrale et bouleversante, et amène une réfléxion sur la rédemption, le pardon, la volonté de se racheter, après une vie que l'on a jugé médiocre et des actions que l'on a jugé cruelles et injustes. Même si beaucoup de films ont déja abordé ce thème extrêmement répandu (en particulier grâce à la religion), je trouve que Clint Eastwood l'a fait de façon personnelle et intense, tout en abordant également beaucoup d'autres sujets ce qui apporte à ce film une richesse indéniable. Ce n'est pas un film qui possède une recherche esthétique, le cinéma n'est en l'occurence pas à la recherche d'art ou de beauté (bien que j'ai repéré deux morceaux de la bande originale très réussis) mais à la recherche d'une morale, d'un message de paix contre toute forme de violence dans une société aujourd'hui extrêmement brutale. Il n'est jamais trop tard pour Eastwood pour commencer à faire le bien, et bien que ce message puisse paraitre déjà vu et cruellement ordinaire, Eastwood l'a justement mené, sans mélodrames, en bonne et due forme.