Sacrée bande de pieds nickelés que réunit devant la caméra Gérard Pautonnier pour son premier film. Si les acteurs sont cantonnés dans des rôles qu’ils connaissent par cœur (Jean-Pierre fait du Bacri bougon, Olivier fait du Gourmet autoritaire et Arthur fait du Dupont lunaire), ils le font avec leur maestria coutumière. A cela on ajoute quelques seconds rôles bien campés par Sam Karmann, Philippe Duquesne et Féodor Atkine et vous obtenez une distribution au poil pour une drôle de comédie ou le rire se consomme à froid, comme l’annonce parfaitement son titre. Entre dialogues confits dans l’humour noir ou situations décalées et poussées à l’extrême, on est servis. C’est particulier, peut-être pas fait pour tout le monde, mais ça fonctionne et ça change.
Si la réalisation reste fonctionnelle, on apprécie beaucoup la manière dont le metteur en scène et son décorateur ont planté le contexte de « Grand froid ». Il y règne une ambiance singulière qui ramènera forcément au « Fargo » des frères Coen avec cet arrière-plan hivernal et enneigé et ses personnages maladroits au centre d’un enchaînement de situations ubuesques. Un décorum impossible à situer géographiquement, de la rue coincée à une époque indéterminée, entre ses pompes funèbres à l’ancienne et son restaurant chinois tenu par un belge, à cette station essence d’un autre âge, il est tout autant difficile de temporaliser l’action. Mais c’est ce qui donne tout son charme à ce no man’s land où évoluent les personnages. On ne rit peut-être pas à gorge déployée mais on se délecte de chaque minute du long-métrage avec un sourire grand comme ça.
Il faut bien avouer qu’il ne se passe pas grand-chose dans « Grand froid » et que le film ne raconte rien si ce n’est une collection de vignettes (voire de sketchs) souvent réussies autour d’un enterrement qui part en sucette. Mais il faut se laisser prendre au rythme nonchalant de cette micro aventure enneigée. Tout cela a le mérite d’être court et d’éviter les longueurs. Et Pautonnier n’en oublie pas de soigner ses personnages (même les morts !) dans ce road-movie burlesque et un tantinet macabre. A un moment, on un peu peur que tout cela parte dans tous les sens, mais le film retombe sur ses pattes comme il faut et s’avère au final une comédie à l’humour décalé. « Grand froid » est un film réussi à l’originalité plaisante, ce qui n’est pas un luxe pour une comédie française si prompte actuellement à nous écœurer par excès de formatage.