Tom Selznick,pianiste virtuose,fait sa grande rentrée après cinq ans d'absence en donnant un concert à Chicago.Mais ça tourne mal car un spectateur le tient en joue et lui donne des instructions via une oreillette.Curieuse entreprise que ce film se passant à Chicago et dont la production,le réalisateur et toute l'équipe technique sont espagnols,tandis que tous les acteurs sont anglo-saxons,américains principalement.Ce qui interpelle le plus est que le scénario est signé Damien Chazelle qui,décidément passionné de musique,écrira et réalisera par la suite "Whiplash" et "La La Land".D'autant que le script est justement la grande faiblesse de "Grand piano".L'oeuvre s'inscrit dans la mouvance des "films dont le héros est coincé quelque part sous la menace d'un mystérieux individu qui le téléguide à distance",un genre dont les fleurons sont "Speed" et son bus lancé à fond qui ne doit pas ralentir et "Phone game" avec son personnage bloqué dans une cabine téléphonique.On attend impatiemment le coup du mec enfermé dans les chiottes et condamné à dérouler non-stop du PQ pendant deux heures.Nous sommes ici très en-dessous de ces glorieux prédécesseurs,Chazelle se complaisant dans le portnawak de compétition.Son histoire,qui empile inexorablement invraisemblances et incohérences,ne tient pas debout un seul instant.Le prétexte à cette manipulation est si tarabiscoté qu'elle en devient insignifiante,alors qu'on sait pertinemment depuis le départ que Tom va s'en sortir.Il ne fait pourtant pas grand-chose pour ça tant son comportement est irrationnel.Bien que se sachant épié en permanence,il tente constamment de ruser avec son tourmenteur,mettant en péril sa vie et celle de son épouse.On le voit ainsi jouer du piano en parlant à voix haute ou quitter la scène précipitamment puis y revenir tout aussi inopinément,au gré de ses impulsions,sans que ça ne paraisse troubler plus que ça le public et l'orchestre.Du côté du méchant,ce n'est pas mieux.Le type,bien que décrit comme une sorte de génie du crime,accumule les conneries.Il a absolument besoin que Tom exécute un morceau à la perfection,et il ne trouve rien de mieux que de le distraire sans arrêt en lui racontant des couillonnades pendant qu'il joue.Et quand à la fin c'est foutu pour lui,il ne met pas en application sa menace de flinguer la femme du musicien,ce qu'il a pourtant tout loisir de faire.Au lieu de ça,il préfère aller se castagner avec le pianiste,pour en arriver au résultat qu'on prévoyait depuis longtemps.Il n'y a au fond que le travail de deux hommes,Eugenio Mira et Elijah Wood,qui rende le truc à peu près regardable.Le réalisateur,s'appuyant sur une belle photo jouant du clair-obscur,parvient à entretenir une relative tension,ce qui constitue un tour de force dans le contexte d'un film n'ayant qu'un seul décor,le théâtre où a lieu le concert,et un seul vrai personnage,le pianiste,tandis qu'un déluge de musique classique un peu chiante baigne l'ensemble d'un bout à l'autre.Le cinéaste faufile sa caméra à travers les coulisses du théâtre avec une belle aisance et shoote les morceaux de musique avec une énergie salvatrice.Il est même parfois inspiré,comme avec ce coup d'archet enchaîné directement après un égorgement à l'éclat de verre,dans une identité gestuelle frappante.Wood,lui,tient fermement la baraque en étant seul à l'image la plupart du temps,et il est clair qu'il a beaucoup travaillé afin d'être crédible lorsqu'il feint de pianoter.John Cusack,l'autre tête d'affiche,n'est présent que par la voix durant presque tout le film et n'apparait qu'un peu vers la fin.