Les fous du volant.
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J'ai toujours aimé ce film car il donne de la Formule 1 des années 60 une image juste et implacable. C'est une vraie prouesse technique en 1966 car les images de F1 ont été depuis tellement banalisées par les télévisions sportives que même plus de 50 ans après sa réalisation, les images montrées par John Frankenheimer ont encore un impact énorme et restent époustouflantes.
Le film suit une saison entière de F1 sur les grands circuits mondiaux (Monaco, Spa, Nurburgring, Zandvoort, Watkins Glen, Brands Hatch, Monza...) au sein de véritables écuries (Ferrari, BRM, Lotus... seule Yamura semble figurer Honda) où 4 pilotes principaux luttent pour le titre de champion du monde, alliant ainsi un aspect quasi documentaire et un réalisme saisissant.
Le ton est vite donné dès le Grand Prix de Monaco qui ouvre le film sur les mélodies accrocheuses de Maurice Jarre, avec l'utilisation du split-screen et ses effets de mosaïque, ses savants gros plans, les bruits amplifiés des moteurs et surtout les plans de caméra embarquée qui laissent pantois. Frankenheimer place le spectateur au coeur des courses, c'est une immersion totale grâce à tous ces procédés. Les scènes de courses sont stupéfiantes d'authenticité car il a placé ses caméras de façon judicieuse à des endroits clé des circuits et utilisé des vues aériennes qui permettent de bien suivre une action lors de vrais Grands Prix, il n'y a pas de trucages grossiers et de plans accélérés, les raccords avec les acteurs dans leurs monoplaces sont filmés à part, dans des voitures tractées à vitesse réelle, mais pas toujours ; ainsi James Garner, passionné de courses, a vraiment piloté sa voiture à 250 km/h, ça permet des plans de qualité.
Entre ces scènes, le réalisateur remplit les vides par la vie privée des pilotes, leurs distractions, leurs désillusions, leur acharnement à la gagne et leurs aventures sentimentales ; la romance entre le Français Sarti et une journaliste américaine prend par moments un peu trop de place, d'où une durée de projection qui atteint les 3h, mais dès que la course reprend, on vibre. Il est étonnant de voir qu'avec un budget de seulement 9 millions de dollars en 1966, Frankenheimer ait pu faire de l'aussi bon travail avec en plus un casting international de poids (Yves Montand, James Garner, Eva-Marie Saint, Jessica Walter, Toshiro Mifune, Adolfo Celli, Françoise Hardy, Geneviève Page, Jack Watson...) et d'ailleurs comme la prod est américaine, on fait gagner un Américain, alors que la Formule 1 ne leur a jamais trop réussi, c'est paradoxal. D'autre part, de vrais pilotes sont aperçus ça et là comme Graham Hill (dans le rôle de Bob Turner, curieux qu'il ne joue pas son propre rôle), les autres apparaissent sous leurs noms (Jack Brabham, Guy Ligier, Jim Clark, Phil Hill, Jochen Rindt, Dennis Hulme...). De même que certains acteurs figurent de vrais personnalités : Manetta n'est autre que le commandatore Enzo Ferrari, Jordan figure un peu Frank Williams, Stoddard fait penser à Jackie Stewart (dont il a adopté le casque écossais), Sarti à Jean-Pierre Beltoise, et Pete Aron à Chris Amon.
Le film est un document d'une époque révolue, celle de la F1 des sixties, ça permet de comprendre comment s'effectuaient ces courses, c'était plus spectaculaire et aussi plus dangereux car il n'y avait pas cette technologie envahissante qu'on voit dans la F1 à partir des années 80, les voitures étaient réglées mais pour les pilotes c'était plus exigeant physiquement, seules leurs aptitudes à piloter faisaient la différence. Au passage, le réalisateur en profite pour pointer la sécurité qui était quasi inexistante, le vieillisement des circuits, le côté froid des accidents pendant que les vainqueurs font la fête. Les scènes d'accident étaient terribles et souvent mortelles, et ici, elles sont bien réglées, notamment celui de Stoddard à Monaco ou celui de Sarti à Monza.
Très en avance sur son temps et techniquement parfait, Grand Prix colle au plus près de la réalité de l'époque en reproduisant les sensations extrêmes de la F1 grâce à son montage très tonique, c'est pourquoi il reste le meilleur film sur la course automobile jamais réalisé.
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le 14 nov. 2019
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