Qui n'espérait pas retrouver la magie de Tabou dans Grand Tour, le nouvel opus de Miguel Gomes, encore plus expérimental, toujours romanesque et très travaillé ? C'est très beau, dans l'ensemble, avec la nostalgie du noir et blanc mais est-ce normal d'aussi peu se passionner pour une intrigue à double détente, un voyage en Asie quelque peu fantasmée, au temps des colonies ? La deuxième partie est largement meilleure que la première mais le mal est fait ; Grand Tour ressemble à une tentative trop marquée de se vouloir admiré, eu égard au peu de modestie du propos du cinéaste qui ne cesse de nous indiquer son intelligence, sa subtilité et son brio. Bien sûr qu'il y a des choses splendides dans Grand Tour et le film n'est jamais meilleur quand il se cantonne au premier degré, auprès de ses deux personnages principaux, et particulièrement son héroïne, que l'on peut prendre plaisir à accompagner dans son périple. Mais l'émotion n'est jamais vraiment au rendez-vous, la fascination devant un tel ouvrage dépendant, elle, de la capacité à oublier que, derrière l'illusionniste Miguel Gomes, se cache un artiste conceptuel et un théoricien du cinéma qui privilégie la tête au cœur.