Un peu d'humanité dans ce monde de brutes
J'aime Capra, le côté si humain qui caractérise ses films, ceux qui font croire aux contes de fées. Celui-ci, bien que mineur dans sa filmographie, met en scène Apple Annie, semi-clocharde dont on ne sait pas grand chose sinon qu'elle porte bonheur grâce à ses pommes, à un joueur invétéré, un certain Dave Dude dit Le Dandy, et surtout que sa fille, la prunelle de ses yeux, élevée au couvent en Espagne, ignore tout de la détresse de sa mère.
Une jolie fable inspirée par la nouvelle de Damyon Runyon où une SDF, dans le seul but de faire honneur à cette fille qu'elle adore, se fait passer pour une femme du monde, aidée en cela par le gangster plutôt sympathique et gagné à sa cause.
Alors on pense bien sûr à Pygmalion, l'histoire n'est pas nouvelle, l'originalité résidant plutôt dans le fait que l'héroïne n'est pas une séduisante jeune femme mais une vieille dame qui tremble de faire honte à sa fille sur le point de convoler avec un "type de la haute".
Et c'est là que le conte se met en place : les truands, emmenés par un Dandy reconverti en homme du monde, se transforment en distingués gentlemen que la vendeuse des rues métamorphosée et méconnaissable dans ses tenues de grande dame et sa distinction récente, se flatte de connaître auprès de sa fille et de son futur gendre Grand d'Espagne.
Une histoire simple et belle un peu naïve, mais qu'importe : l'amour d'une mère pour sa fille, l'espoir que rien n'est impossible quand on le veut vraiment, et qu'un peu d'humanité dans ce monde de brutes, et c'est intemporel, peut changer la donne, ne serait-ce qu'un jour, un soir ou une semaine.
Une comédie qui se veut aussi une salutaire caricature de la société et de ses faux-semblants et dont Capra en 1960 tournera le remake : Milliardaire pour un jour avec la fougueuse Bette Davis, plus brillante que May Robson mais sans doute moins touchante.