-Un film d'auteur de Godard. Revisionnage. Film considéré comme mineur, bon, mineur je veux bien, mais il n'empêche que ça flotte quand même bien bien haut au-dessus de la concurrence et de ce qui se fait dans la matière, c'est un beau film, touchant et émouvant comme toujours avec les Godard de l'époque, même (et surtout, plutôt) au revisionnage; on voit bien que c'est profondément stylé, original, neuf. Remarquons aussi que, dans tout le film, il y'a de la musique kitch à outrance, dans tout le film et ce de a à z quasiment. Or c'est très bien, et nécessaire même, car sinon le film aurait été trop réaliste : Comme ce qui est filmé est trop cru, il faut absolument ajouter de la musique langoureuse pour que ça devienne beau, sinon ça aurait ressemblé aux ignobles premiers films de Fassbinder ou bien aux films de gauche qu'on voit aujourd'hui, sauf que Godard sait très bien, lui, qu'il y'a des limites qu'il ne faut jamais dépasser, donc, dès qu'il sent que ça choque un peu l'image, il noie le film de musique d'opéra, il a ce goût de voir quand ça ne va pas. On peut dire aussi que c'est ce qui explique pourquoi, quand Weir ou Greenaway ou Truffaut ou Resnais (ou tant et tant de gens...) filment de beaux jardins et ajoutent de la musique c'est nul, tandis que quand Godard le fait il le fait en filmant des bureaux exigus et étouffants et des gens qui travaillent en plan resserrés (et donc esthétiquement c'est plutôt étouffant et moche) et là c'est bien parce que c'est nécessaire, car ça permet de sauver le film en en évacuant toute ambiguïté naturaliste/politique qui nuirait à son fonctionnement métaphorique et poétique. Autrement dit, l'image est trop chargée chez Godard, alors le son, toujours très très mozart et très classique, vient la décharger et absorber tout son poids révolutionnaire non en le supprimant mais en y apportant un ordre parallèle et rigoureux, en compensant ce qui est filmé, en somme chez Godard la musique est un cadrage esthétique mais aussi technique puisque rajouté à postériori au montage. C'est une question d'équilibre, et, l'équilibre, c'est la finesse d'une contradiction menée jusqu'au bout. Godard mène en effet sa contradiction jusqu'au bout : Il propose des choses toujours neuves, diablement intelligentes, mais il n'oublie jamais que cette nouveauté doit être belle, magique, émouvante, car sinon ben elle ne servirait absolument à rien. A voir et à revoir.