Je suis un viandard. Voilà. J’adore les steaks, les trucs bien saignants, avec du sel, en sauce, en sandwich, cru, peu importe : j’aime la viande. Pourtant, je me pose la question de ma consommation régulièrement d’un point de vue éthique et moral. Que ce soit à propos de la souffrance animale comme de la possibilité de se passer de quelque chose dont la production à grande échelle est ultra nocive pour l’environnement. Mais j’aime ça.
C’est aussi le cas de la jeune héroïne de Grave. Mais elle ne le sait pas encore. Elle ne sait rien d’ailleurs quand elle arrive à l’école de vétérinaire. Végétarienne depuis toujours, elle est vierge de toute expérience ou presque, se contentant d’adopter le comportement que ses parents attendent qu’elle ait. Mais une fois libérée du contrôle familial, elle se découvre une nouvelle passion.
Grave, c’est un film sur les pulsions, sur le choix nécessaire de se laisser aller à sa bestialité ou au contraire, de lutter pour conserver son humanité aux dépens de ce que l’on est au fond de soi. Le cannibalisme de la protagoniste n’est qu’une excuse pour traiter des décisions morales que l’on doit prendre. De la façon dont on doit les assumer pour mieux exprimer, ou enfermer, ce que l’on veut être, ce que l’on souhaite être.
Grave est la concrétisation de cet affrontement, de ce combat entre ce que nous dicte notre corps et ce que nous interdit notre tête. C’est l’idée de nous faire ressentir de l’empathie pour une adolescente qui, au milieu des découvertes usuelles des jeunes filles de son âge, a une véritable révélation pour l’un des tabous les plus absolus des sociétés humaines.
Une idée qui fonctionne merveilleusement bien parce qu’elle est intelligente et très bien mise en scène. La forme abonde dans le sens du fond, et la réalisation est excellente, reflétant bien les dilemmes moraux et intellectuels qui assaillent Justine.
D’autant que Julia Ducourneau sait manipuler habilement nos sentiments, nous transportant du rire à l’effroi, du questionnement à quelque chose de bien plus malsain, de l’étonnement au dégoût. Avant de revenir encore une fois à l’hilarité, permettant de désamorcer des situations très dérangeantes et dont l’accumulation pourrait tout simplement écœurer le spectateur.
Grave est un excellent film. Il est maîtrisé (tant du côté technique que de celui du jeu des acteurs), il est intelligent, il est pertinent. Il comporte des scènes et des images que certains pourraient trouver difficiles à supporter, mais à aucun moment il ne verse dans le ridicule ou la gratuité. Au contraire, malgré son sujet, malgré son thème, il sait rester délicat et sensible. À l’instar de son héroïne, qui, en dépit de son goût pour le sang, fera tout pour conserver son humanité.