Grave, sorti en 2017 et réalisé par Julia Ducournau, est un film franco-belge d’épouvante-horreur et dramatique, interdit au moins de 16 ans.
Thématiques abordées / Trigger warnings
Rapport au corps, anti-spécisme, cannibalisme, contenu sanglant graphique
Sans spoil - Grave bien ?
**Synopsis**
Le film relate l’entrée de Justine en école vétérinaire qui devra subir dès son arrivée le bizutage routinier des premières années. Provenant d’une famille de vétérinaires et végétarienne, elle se verra forcée à manger de la viande crue pour la première fois, ce qui ne sera pas sans conséquences.
**Avis personnel**
Il m’a semblé que le film saura rester suffisamment graphique sans trop l’être jusqu’à la fin, malgré un usage parfois maladroit d’une nudité et de plans sexualisant des corps majoritairement féminins. Certes, la raison peut y être trouvée, le lien entre nourriture, bestialité et sexualité... Néanmoins, cela ne m’a pas empêché de trouver certaines scènes quelque peu hors contexte par rapport au propos.
Et le ou les propos, revenons-en. Le bizutage, la débauche étudiante, le rapport entre nourriture et anti-spécisme, les questions éthiques concernant la profession de vétérinaire, la relation au corps etc… Tant de propos qui m’ont semblé être abordés rapidement mais sans approfondissement tout au long du film. Réflexion purement personnelle, le film n’aura donc à mon sens pas une réelle portée moralisatrice, de par le traitement en surface de ces thématiques (ou alors, si c’est sa volonté, il me semble que ce sera parfois maladroit, cf partie avec spoils).
La bande originale est quant à elle signée Jim Williams, compositeur britannique qui a su appuyer la descente lente et progressive de Justine et accompagner les images dramatiques et tragiques.
Malgré tout, je pense avoir apprécié le film, qui reste bien réalisé et réussira à être choquant lorsqu’il le souhaite, sans qu’à mon sens ce soit de la provocation gratuite. Un bon film d’horreur psychologique à mon goût, dont les quelques réflexions qui peuvent y émerger sont ancrées dans un contexte moderne.
Avec spoils - Une tragédie ?
**Une catabase mise en scène**
Comme évoqué plus haut, la descente de Justine vers sa bestialité non controlée et imposée m’a semblé très bien mise en scène : passage de plans larges au début à des plans très resserrés et étouffants, une musique/leitmotiv de ses envies irrépressibles qui appuie et signifie son abandon de contrôle, les scènes graphiques étant de plus en plus nombreuses vers la fin etc…
Maintenant, concernant les thématiques abordées, il me semble qu’il y a un manque d’approfondissement sur certains propos, rendant parfois quelques dialogues maladroits ou pouvant paraître forcés. L’exemple de la grossophobie dans le milieu hospitalier, la rapide tentative d’aborder la question de la zoophilie, du SIDA et de l’anti-spécisme, du rapport au corps, au standard de beauté féminin etc… Cela me paraît dommage, parce qu’on a parfois l’impression que les dialogues peuvent et veulent mettre en mots un avis ou une piste de réflexion, mais que c’est finalement mis de côté ou abandonné rapidement.
Bien que ce soit à mon humble avis dommage, cela n’a en aucun cas été dommageable sur mon appréciation du film. Il s’agit simplement de petites scènes ou lignes de dialogue qui provoquent un haussement de sourcils, parfois suivi par un bon face palm par des plans sexualisant et une nudité qui m’a semblé parfois inutile.
**Ouverture et conclusion**
En conséquence de ce non approfondissement des thématiques, la dimension anti-spéciste en est parfois suggérée plus qu’énoncée. La proposition du cannibalisme comme ayant des causes génétiques, le fait que d’après le père, un chien puisse être piqué et donc “puni” mais pas sa fille/une humaine, le fait que Justine porte des chaussettes pendant qu’elle dort (oups, je crois m’être perdu) … Tant de pistes, qui laissent place à la conclusion suivante :
Grave, ou le cannibalisme comme tragédie ? Tragédie au sens dramaturgique du terme, celui où le personnage ne peut rien contre une fatalité qui s’abat sur lui, personnage qui est impuissant face à ce qui peut même provenir de lui ou de son héritage. La descente progressive de Justine nous semble tendre vers une narration tragique, comme si la bestialité, la sexualité débridée et sauvage ainsi que le cannibalisme sont tant de pulsions qui s’imposent malgré elle. Mais cette fin, que dit-elle ? Propose-t-elle une lueur d’espoir face à ce déterminisme ?
Si le film vous intéresse, je vous propose alors de faire votre propre avis sur cette dernière question en le visionnant ! ;)