Une chose est certaine, Julia Ducourneau ne nous aura pas laissés indifférents. Son approche artistique et dramatique à un sujet extrême et souvent tabou à le mérite de diviser son audience. Ironiquement, cette polarité est ici de grande qualité car la réalisatrice aura tout de même su donner un goût presque digeste à un sujet décidément indigeste.
Le film se présente en tant que drame-horrifique. « Drame » d’abord car l’histoire est fondée sur l’idée du « coming-of-age », un genre qui s’intéresse a la progression et a la transition d’adolescent a adulte. C’est d’ailleurs un sujet qui s’intéresse souvent aussi à l’éveil sexuel, une dimension dont Ducourneau se sert habilement et qui sera très importante pour l’histoire et l’intégration de sujets plus sombres dans un milieu scolaire. La réalisatrice nous fait grâce de sa créativité parfois nauséabonde pour nous plonger dans un univers macabre et insalubre. Le film déborde d’idées narratives pour nous immerger dans son histoire et donc la réalité de la protagoniste. Il faudra d’ailleurs reconnaître le talent des acteurs toujours charismatiques et attachants qui permettent au film de garder un certain pragmatisme malgré ses traits grotesques.
Étant étroitement lie à l’exploration psychologique et sexuelle de la protagoniste, la partie horrifique du film s’installe lentement et plutôt habilement. Cette découverte de soi-même et l’idée d’aliénation de son propre corps est exactement dans le sujet du body-horror. La douloureuse scène des démangeaisons sert d’ailleurs d’introduction et de présentation au cannibalisme qui prendra place plus-tard. Tout comme dans les films de Cronenberg où le protagoniste est saisi d’un fléau physique souvent pour représenter un fléau moral, Ducourneau nous avertit d’un danger imminent au travers de rougeurs sur la peau de sa protagoniste. Cette ancre narrative efficace n’est cependant pas complètement utilisée, la réalisatrice choisit plutôt de s’intéresser a la relation de la protagoniste avec sa sœur, un choix déconcertant étant donné l’asymétrie et l’inconsistance de leur amitié. Le personnage qui aurait pu servir de point de référence pour l’audience est finalement ambigu, sert t-il de contraste? Ou de mirroir moral? Il est donc dur de savoir si la protagoniste s’est acceptée à l’issue de l’histoire. D’autant plus que la sœur finit par être incarcérée, n’a-t-elle pas vécu la même histoire que sa petite sœur?
Le « character-study » est donc inabouti et maladroit. Un élément qui sert pourtant de fondation au récit. Et, bien que certains (et moi y-compris) diront que l’ambiguïté est essentielle à l’histoire, on se retrouve ici avec une ambiguïté qui est elle-même ambiguë. Rappelons-le, l’horreur de l’histoire découle des découvertes de plus en plus macabres de la protagoniste concernant son identité. Mais cette recherche ne mène nulle part. On ne sait pas ce qu’elle accomplit et ses résultats sont inexploités. Malgré cela la bande-son est efficace, et illustre bien cette dichotomie dont notre protagoniste est victime. La réalisation exploite ce détail et se donne à cœur joie d’en dépeindre un portrait coloré et souvent caricatural: la scène devant le miroir par exemple. C’est ce qui fait le charme et finalement aussi la démise du film. La caricature n’est pas toujours une mauvaise chose, elle est d’ailleurs très efficace dans l’introduction du film avec le bizutage qui sert à installer cette ambiance inhospitalière. Cependant un peu plus de subtilité aurait certainement aidé l’histoire. Revenons à cette scène du miroir, bien qu’elle soit bien exécutée le choix de musique illustre bien la caricature dépeinte sous nos yeux. Grossière et risquée, la rappeuse parle ouvertement de nécrophilie et de cannibalisme révélant involontairement l’intrigue à venir.
C’est donc avec un peu de déception qu’on finit le film, malgré un plan final très efficace qui marque efficacement les esprits et sert de but à cette recherche que mène la protagoniste le film se finit avec trop de questions et décidément trop peu de réponses sur la future de Justine. L’écriture est présente et belle mais l’exécution reste à désirer et méritait d’être plus focalisée sur les éléments essentiels de l’histoire. Les détails et la créativité sont certes, admirables, mais auraient été bien plus efficaces avec un peu de retenu et une direction narrative plus claire.