Une vue à couper le souffle, un silence enveloppant, un calme olympien avant la tempête, un récit qui se met lentement en place, sans nous brusquer ; tout est orchestré pour nous offrir un superbe aller-retour en orbite. On est en apesanteur avec Bullock et Clooney. Je dirais même mieux, on est Sandra Bullock, à en avoir presque un haut-le-cœur. Mais, c'est si beau.

George meurt, et je suis heureuse. Je me dis que ça part bien ; ils ont fait mourir Clooney bon sang ! Alors ce film va forcément sortir des sentiers battus, et nous surprendre au-delà de cette première partie très réussie. Mais voilà, ils n'ont pas pu s'empêcher de la jouer à l'americana, et bien sûr, c'est là que ça dérape.

J'en aurais pleuré, de désespoir cette fois. Autant Cuarón met sa poésie au service de sa première partie, autant, dès que Miss Shorty plonge dans la station ISS, le réalisateur commence à accumuler les clichés, et le bruit qui va avec. Déjà, on ferme les yeux avec indulgence lorsque Cap Canaveral nous annonce que ces maladroits de russes (probablement bourrés) ont tiré un missile sur leur propre satellite. Ben voyons, ils sont vraiment trop cons, et comme il n'y a pas à proprement parler de bad guy dans le film, autant faire porter le chapeau aux Russes pour les dégâts qui s'annoncent. Bref, une petite pique en passant pourquoi pas, nobody's perfect. Or, désormais, le silence, l'immersion dans l'espace, la finesse des images, tout ça, c'est fini ; ça vire à Armageddon, que j'aime bien ma foi, car au moins, il annonce la couleur, mais là j'avais pas commandé ça. Catastrophes en série, la Bullock en culotte, icônes orthodoxes et autres bondieuseries, l'extincteur-propulseur (lol). Mais quand on y pense, ce sont des broutilles à côté de ces énormes fautes de goût et ce parti pris hollywoodien qui viennent renier, voire cracher à la gueule de cette si belle introduction.

Ma chronologie est un peu sens dessus dessous, car mon cerveau a dû filtrer pas mal d'informations et de plans parasites, mais en gros, le Chinois (?) à qui s'adresse notre héroïne, son rêve (qu'on voit venir à des années lumières) et les dialogues sur la vie, la mort, la rédemption, l'envie de vivre, bla bla, c'est niet. Cette lourdeur est impardonnable; c'est pénible, c'est convenu, et c'est inutile. Comme si la beauté du silence pouvait nous mettre mal à l'aise, Cuarón s'aligne sur l'une des caractéristiques de notre société -plus c'est bruyant, mieux c'est- et choisit de bousiller son huis clos, dont l'intensité s'en serait vue décuplée par un simple plan séquence sur Sandra Bullock -- elle qui peut être si convaincante quand elle a les jetons.

Eh bien non, il opte pour la facilité, avec des élucubrations simplistes et sottes qui sont venues m'écorcher les oreilles et quelques neurones au passage. Merci de nous avoir pété l'ambiance. Mon atterrissage sur la planète America is great a été aussi violent que rapide. Et c'est là que la musique a commencé aussi à devenir gênante, intrusive, indélicate. Ne nous a-t-on pas annoncé dans le prologue que, en gros, il n'y avait rien pour porter les sons dans l'espace? Le parallèle à faire, évident, aurait pu être tellement génial.

Hélas, à partir de là, je n'ai plus été transportée par ce doux vertige initial ni ressenti ce léger haut-de-cœur si délicieux, et cet atterrissage forcé aurait même mérité un petit vomi d’écœurement et de rancune.

La bande son et les dialogues, qui rivalisent de vacuité, viennent donc confirmer ce proverbe soufi plein de justesse:
"Si la parole que tu vas dire n'est pas plus belle que le silence, [ferme ta gueule]."

Au commencement pourtant, c'était parfait, il en a manqué de peu pour que Gravity s'élève au rang de chef-d'œuvre et faisant fi des conventions de son genre, mais à Hollywood, il ne faut pas trop rêver.

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le 13 avr. 2023

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Citlal

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