Huit mais...

Bon, je dois avouer qu'au moment de noter ce Gravity, je suis un peu emmerdé.

Alors, 7 ou 8 ? Pas plus, c'est sûr, pas moins non plus, même si le battage médiatique m'a survendu le film il reste d'une qualité relativement inattaquable.

D'instinct, à chaud, c'est 8. 8, pour la prouesse technique et visuelle, les plans de ouf gueudin malade, l'hallucinante mise en scène (qui en fait mériterait vraiment 9), certaines ambiances musicales excellentes, le travail de reconstitution, l'immersion totale. Un vertige cinématographique inédit, presque métaphysique. Et quelques séquences qui envoient lourdement le bois, il faut bien le dire.

Mais aussi parfois et souvent 7. 7 pour quelques gros clichés pas vraiment à leur place, pour une caractérisation aux gros sabots qui essaye d'humaniser ses personnages via des dialogues relativement inintéressants, même si justifiés, notamment Clooney et son personnage à la cool qui essaye de calmer Bullock en parlant nonchalamment. Hélas, Clooney reste Clooney, et si ça aurait pu marcher avec n'importe qui d'autre, on a un peu l'impression ici de voir George faire son show.

Et puis 8, pour ces plans incroyables, cette photo à pleurer, des images saisissantes de corps dérivant sur fond de planète Terre, extase cosmique qui rappelle, oui, 2001 et son sujet plus grand que l'univers, dont Gravity est pourtant si loin avec ses petites péripéties anecdotiques. 8 pour quelques jolies idées et une scène touchante dans laquelle le personnage de Stone, confrontée à l'imminence de sa mort, prend enfin un peu vie. Clairement le plus beau moment du film et le seul qui prend véritablement aux tripes par un artifice autre que sensoriel.

7, pour un film qui perdra absolument tout son intérêt sur un écran autre que géant et 3D, et qui, sans le pouvoir incroyable de l'immersion et du vis ma vie étouffante de cosmonaute à la dérive, n'aura qu'un message philosophique un brin neuneu à offrir. Acte de survivance même pas spécialement bien mis en valeur, limite flingué par une fin éléphantesque qui fait presque - j'ai dit presque - dériver le film vers du Apollo 13, avant de se reprendre un tout petit peu. Coupée trois minutes plus tôt, en pleine chute, donc en plein doute, on tenait une fin en béton qui servait le propos. Dommage.

Je sais bien qu'un film ne se résume certainement pas à une note, à un barème arbitraire, à une notation caricaturale. Mais puisqu'il faut jouer le jeu, que faire ?

8 pour l'expérience, pour le talent, pour le rollecoaster en numérique IMAX 3D 5.1 sensurround, 7 pour l'intrigue banale, pour cette fin trop appuyée qui aurait mérité un peu moins de pompiérisme "à la ricaine".

Au final, le jury a beau essayer d'être impartial et objectif, ça sera quand même 8. 8, parce qu'un spectacle comme ça, ça ne se vit pas tous les jours, qu'une telle claque en termes de réalisation est rare, et que Gravity montre que le cinéma a toujours cet énorme avantage sur les séries télé que de proposer ce genre d'expériences.

Donc 8, Mr Cuaron. Mais de justesse. La prochaine fois, travaillez vos personnages et votre intrigue aussi bien que votre mise en scène, et ça sera le 10 assuré. Au moins le film vieillit de mieux en mieux à mesure que les heures passent, on en parle avec les amis à la sortie, tout émerveillés par certains passages, on se remet des bouts de la bande annonce, et on se réécoute la BO en boucle.

Qui sait, peut-être qu'en fait c'était 9 ?

Edit : je lis partout, et je le dis moi-même, que Gravity n'aura probablement aucun intérêt ailleurs que sur un écran de cinéma. Cela dit, on ne peut pas, on ne doit pas lui en faire le reproche. C'est un film de cinéma, pensé pour le cinéma, et prévu pour le cinéma. On a une bonne raison d'aller en salles, on ne va pas en plus l'utiliser contre le film...