D'après une histoire vraie peut-on lire dès le générique. Cet appel du pied censé enthousiasmer le spectateur est devenu un véritable fléau du cinéma américain qui, entre reboots et sequels, ne peut plus imaginer quoi que ce soit en dehors des sentiers battus et rebattus. Hélas, ce road movie qui voit deux personnalités antagonistes nouer une amitié inattendue, est archi convenu et déja vu mille fois. Il emprunte un chemin balisé par toutes les conventions possibles. La seule nouveauté consiste à inverser le rapport de domination : c'est le pianiste noir aisé qui va éduquer son chauffeur blanc tandis que celui ci décoince le premier. Cette idée de scénario laisse perplexe d'autant que la violence de la ségrégation du début des années 1960 ne fait l'objet d'absolument aucun regard, et la moindre situation un peu conflictuelle est désamorcée en une ligne de dialogue. Ce road movie, prétexte à une dénonciation scolaire du racisme finit par quitter la route. Au milieu du film, le placement produit d'une chaîne de restauration rapide est particulièrement gênant et disgracieux. Une scène de boite de nuit, alors que notre héros abandonne Chopin pour se lancer dans un rythm'n'blues endiablé se vautre même dans les pires clichés du musicien noir qui a le "rythme dans le sang". Ces deux scènes montrent que le musicien grand bourgeois ne peut pas s'intégrer à cause du racisme, tandis que le chauffeur italo-américain apprend à son employeur les manières de vivre du prolétariat, associées aussi pendant ces deux séquences aux afro-américains - il apparaît alors comme un transfuge de classe... Autrement dit, tout a déjà été montré ailleurs et de manière plus subtile. Politiquement, le film est absolument inoffensif et n'interroge jamais la réalité du racisme américain contemporain. Incompréhensible que cette petite chose lénifiante, dont l'intérêt ne repose que sur le jeu des acteurs, soit donné favori aux Oscars en février prochain. Si le film devait remporter un prix, ce serait celui du produit périmé de l'année.