Une cinéaste pour un film.
C'est ce que je retiendrai de la pâte d'Agnieszka Holland.
Alors il y a quelque chose d'assez bizarre qui émane. Une fausse organicitée. Comme si le film était trop bavard. Comme s'il suffisait de parler de tout et de rien au milieu de ce champ de bataille pour enfin ressentir le champ de bataille.
Le ton général du film sonne juste ; maintenant comme dit ci-dessus, j'ai quelques réserves sur la séquence des migrants dans la maison de riche Polonais. Je trouve tout ce passage très bizarre. Je ne trouve pas cela improbable, mais franchement mal amené. C'est une fausse note comme qui dirait. C'est trop pur dans l'âme.
Autrement, comme point d'appui, le sujet est fort. J'avais en tête en entendant parler de ce film les migrants ukrainiens qui ont dû eux aussi s'exiler ; avec cette fois-ci, beaucoup plus de facilités. Et le film parlant de ces hommes et femmes ne venant pas d'Europe auxquels nous ne pensons pas lorsque l'on parle de l'horreur de la guerre. Ici, réside la force de ce film, il n'ignore pas son sujet, il apporte la démonstration de notre insensibilité au produit de notre bêtise. L'ignorance n'est pas le problème. Il n'y en a ici que pour le manque d'humanité.
Attention, il ne faut pas confondre cela dans un cynisme qui n'appartient pas à Agnieszka Holland. Le message n'est pas de cracher dans la soupe (s'il devait y avoir un message). Il serait davantage de dire, qu'un homme reste un homme, et que malgré nos bons sentiments, ce sera surtout notre bonne volonté, nos actes qui en découleront, qui primeront.
Tout cela me mène à me demander ; si tous ces gens morts en émigrant pour l'Europe ; ne seraient-ils pas tous passé tranquillement par nos frontières si nous n'avions pas médiatisé tant que cela leur présence. Comme si leur présence dans nos médias n'avait fait que l'effet inverse qu'on leur aurait soupçonné. Peut-être que les images peuvent sauver à certains moments bien choisis. Cependant, des migrants, nous ne retenons qu'un débat entre politiciens, entre citoyens, alors que ça n'est pas un débat, c'est une situation bien réel. Des humains traversent les conséquences d'une pièce de théâtre absurde ne servant les intérêts de personnes ne cherchant même pas à savoir ce qui découlera de leurs discours. Faudrait-il faire taire ces pantins, faire disparaître ce non sujet qui se résume à : donner leur un toit au lieu de jacter.
Pour les Ukrainiens, nous n'avons pas eu à débattre ni à montrer leurs maisons calcinées pour les laisser entrer.
Malgré tout, je pense que témoigner dans la durée, c'est les faire exister au même niveau que nous nous considérons. Ce ne sont pas des sous-hommes après tout.