Greenland a une excellente idée et deux vilains défauts. L’excellente idée est de recentrer la catastrophe depuis l’omniscience du blockbuster sur la cellule familiale, puisque, exception faite d’une poignée de plans bien peu spectaculaires au demeurant, nous ne percevons le chaos qu’à échelle d’homme, conviés à partager les douleurs de trois êtres sur le point d’être séparés – la procédure de divorce puis le refus d’embarquer l’enfant – et qui trouvent dans le déchaînement des forces naturelles l’occasion de resserrer les liens qui les unissent. La tragédie cosmique se rejoue en tragédie intime et tragédie de l’intime, dans lesquelles père mère et fils sont soufflés, écrasés par des foules en délire, secoués dans l’avion qui s’échouera quelques secondes plus tard, pris en otage par un couple désespéré. Le film réussit à capter cette détresse, traduction du sursaut de vie qui anime les individus, et à raccorder les humains à ce fond de bestialité que l’état de société, en le domestiquant, ne saurait annihiler.


Néanmoins, une telle idée scénaristique se heurte à deux écueils importants. Le premier est l’écriture des dialogues, dont la qualité était pourtant nécessaire à une œuvre soucieuse de se mettre à hauteur d’homme pour regarder la catastrophe ; or, ceux-ci enchaînent les poncifs, sonnent souvent faux ou plaqués sur des situations qui ne demandaient que silence ou murmures ou balbutiements. Tout se passe comme si les personnages maîtrisaient la situation tout en surjouant l’urgence, occasionnant une impression de facticité dommageable. Cet écueil est accentué par un autre, le second en l’occurrence : la mise en scène. Ric Roman Waugh réalise son film n’importe comment, surdécoupe ses plans afin d’accélérer le rythme, use et abuse de la caméra à l’épaule sans que cette technique renforce l’immersion – sauf lors de la course dans le bunker, très efficace. Dit autrement, Greenland est visuellement laid, plastiquement grossier ; son geste artistique apparaît des plus lourdingues, tiraillé entre une volonté de réalisme mal géré et une représentation du passé idéalisé en flashbacks avec ses gros plans, ses lumières chaudes, ses visages souriants.


Reste un divertissement honnête qui a le mérite de recentrer sa focalisation sur la famille, comme le faisait déjà – et en mieux – 2012 de Roland Emmerich.

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le 13 nov. 2020

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