Cette énième version du mythe de Tarzan tranche nettement avec le folklore auquel Hollywood nous avait habitué jusqu'ici, en cela que cette adaptation est probablement la plus fidèle à l'oeuvre d'Edgar Rice Burroughs. On pensait en effet avoir tout vu sur Tarzan, qui pour les studios n'a été longtemps qu'un homme primitif se balançant de liane en liane en slip panthère, accompagné d'éléphants sympas, de méchants crocodiles et de guenons facétieuses.
Jusqu'alors, Tarzan appartenait à la série B sympathique, avec budget serré, jungle de carton pâte et aventure au premier degré. Hugh Hudson en fait une sorte d'opéra sauvage où la vie côtoie la mort, où l'homme s'assimile à l'animal et où l'instinct rejoint l'intelligence, du moins dans la première partie. Et puis, dans la seconde partie, Tarzan évacue son côté bestial, parle normalement, montre la supériorité de l'inné sur l'acquis, et l'image du déraciné en quête de ses racines. Car le monde le plus sauvage n'est pas celui qu'on pense, mais bien la société victorienne bardée de ses oripeaux de bienséance, de privilèges et de préjugés.
Le film est donc autant une fable écologique qu'une critique amère de la civilisation et de la société britannique du XIXème siècle, le réalisateur oppose ces 2 univers totalement antinomiques, 2 jungles différentes, celle des singes et celle des hommes, et Tarzan redevenu lord Greystoke va être ballotté entre les deux, sans vraiment appartenir ni à l'un ni à l'autre.
Un film qui allie la tendresse, l'aventure, l'émotion et le rire avec une rare intensité, et qui permit à un acteur Français inconnu en 1983 d'éclater au grand jour en donnant à son double rôle, une puissance étonnante, de même qu'il permit à Rick Baker d'atteindre la perfection dans ses maquillages simiesques ; ses singes joués par des acteurs sont difficilement discernables des vrais. Le reste du casting avec Ralph Richardson (dont ce fut le dernier film), Ian Holm, Andie McDowell et James Fox, est de grande qualité.