S'il fallait garder un seul film avec Christophe Lambert, ce serait pour moi celui-ci, le rôle de sa carrière... Son physique nerveux et son regard étrange servent à merveille un personnage torturé par son identité: homme ou singe? Le film de Hugh Hudson est globalement somptueux: scènes en Ecosse, paysages d'Afrique naturels ou bien reconstitués en studio... avec des singes certes très humains (acrobates et mimes sous un maquillage impressionnant) mais oh combien efficaces. C'est bien de la Légende de Tarzan qu'il s'agit traitée comme un drame shakespearien. Certes, il y a des détails qui font partie du mythe Tarzan mais ils ne sont jamais utilisés comme un clin d'œil aux clichés du passé: les films avec Johnny Weissmuller. Ici le roi des singes crie souvent de rage ou de tristesse mais ne nous gratifie pas du fameux cri immortalisé dans les années 30 par le Tarzan d'Hollywood. Hugh Hudson revient aux sources du mythe et dresse le portrait d'une époque où l'homme blanc européen se pensait comme le centre du monde: les Anglais mais aussi d'autres nations - Belges par exemple. L'Africain, le noir, était au mieux un domestique, un éclaireur, un porteur et au pire un ennemi: ici le pygmée redouté. On est en pleine époque victorienne et coloniale et Hudson n'enjolive pas trop la réalité historique: racisme, condescendance de la part des européens "civilisés" qui tuent pour le sport: singes et autres animaux mais qui souvent ne comprennent rien au monde qui les entoure. Tarzan bousculera un temps les certitudes de la haute société britannique de part son comportement hors conventions et aussi une forme de bestialité séduisante mais au final dérangeante (toute la scène où à Londres Lord Greystoke retrouve son "père" adoptif en cage).
Seul le retour aux sources (la jungle équatoriale) lui vaudra une forme de salut, laissant en lisière de forêt ses deux seuls vrais amis - Philippe D'Arnot, le belge au grand cœur (excellent Ian Holm) et la frêle et troublée Jane (la débutante Andie MacDowell).
"Greystoke" est à la fois un film d'aventures, un drame psychologique, une étude de mœurs formidablement filmé et photographié avec une sublime BO de John Scott.
Un des 10 meilleurs films du genre dans les années 80.