Voir Guendalina après avoir enchaîné la cinématographie de Dino Risi, c'est une retombée violente dans le drame au cinéma italien. Violente car, si cela tient aussi à cœur à Lattuada de satisfaire son public, c'est avec tout autre chose.
Son cadre est posé vite, mais on aura tout le temps de s'y habituer : une famille privilégiée, des parents qui se séparent, puis le chagrin d'une adolescente gâtée qui ne peut alors évacuer sa frustration qu'en étant l'insupportable peste que Jacqueline Sassard cerne brillamment dans son personnage. Mais toutes les oreilles ne seront pas sourdes à son malheur : un jeune homme est là qui la supporte plus longtemps que les autres - plus longtemps même que certains spectateurs.
Le glissement sera imperceptible. Partant d'un tâtonnement teinté des tares de son époque au travers duquel les deux adolescents explorent les pressions sociales qui leur dictent leur conduite, ils ne vont pas tarder à s'apprécier derrière le voile imposé de leur milieu respectif. Les barrières tombent et déjà ils sont amis. De jour en jour, dans une continuité solide et discrète, leur lien va se renforcer comme à notre insu, tandis que leurs sentiments naissants agitent davantage le monde autour d'eux qu'ils ne le savent voir ni comprendre.
C'est en fait à peine si nous pouvons le voir nous-même. Amitié, famille et puis amour, tout se déroule comme libre des contraintes de l'histoire, car si la narration compte par-dessus tout dans Guendalina, elle est pourtant érigée par des formes invisibles : de sa musique qui sert de mesure à la profondeur des sentiments (plus ils sont candides, plus elle est à contre-emploi) à la manie des bons raccords, c'est une œuvre d'une propreté remarquable qui fait plus que raconter une romance : elle raconte l'histoire de la romance.
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